mardi 9 mars 2010

En voiture sur les routes désertes de Meuse, en allant de village en village avec Laurence, en longeant des champs et des vergers interminables, j'avais des hallucinations où se mêlaient des fichiers WAV visualisés sur Audacity, des kilomètres de bande magnétique, des arbres, et comme dans un trip sous LSD j'imagine, une équivalence mystérieuse s'opérait entre toutes ces choses, par exemple j'assimilais le souffle des cassettes à de l'espace sonore, et les arbres à des événements qui prennent lieu dans l'espace, en l'occurrence, des sons, qui se produisent sur fond de souffle.

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Les ondes sonores, dans un logiciel comme Audacity ou Wavelab, ressemblent parfois à des forêts de sapins au loin.

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Le souffle qui précède la musique quand on lance une cassette, c’est le son qui indique qu’on entre dans un autre monde, où quelque chose va arriver ; en l’occurrence, de manière fortuite, de la musique.

Ce souffle est l’image sonore de l’immense étendue d’un autre espace-temps, dont l’image est gravée sur la bande.

Le souffle électronique est l’équivalent audio de l’espace dans lequel se disposent et arrivent les choses. Pas un parasite. Pas le son du vide, de l’absence. Mais une trame, un fond, présent, perceptible, comme on peut percevoir le grain de la toile, sous la peinture.

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La base de ma musique est le souffle. Le cliquetis et les bruits produits par le déclenchement ou l’arrêt d’une cassette. Le ronronnement d’un lecteur de disquettes. Et les vieux sons d’un clavier PCM ou d’une Soundblaster ancestrale. C’est le fétichisme des vieilles machines dépassées, oubliées, qui avaient leurs limites mais qui aujourd’hui paraissent tellement plus charnelles que les synthés VST, etc.

Il n’y a aucun discours théorique à développer sur ce sujet. Il ne s’agit que de préférence personnelle, liée à mon âge, aux technologies en présence desquelles j’ai grandi. On regrette le DX7 comme on regrettait l’accordéon des bals musettes de sa jeunesse.

Il s’agit de poésie technologique ; quel que soit le thème abordé par l’artiste, ou le style exact de musique qu’il joue. La poésie provient de la machine même, pas de l’intention de l’artiste.