vendredi 16 novembre 2018

La musique de Maelifell est une bedroom music assumée, une musique de la classe moyenne pavillonnaire et d'adolescents équipés en micro-ordinateurs comme en instruments de musique grand public ; guitares d'initiation, claviers Yamaha familiaux, micros de supermarché et enregistreurs cassette intégrée à la chaîne HiFi reçue pour la grande Communion ou l'entrée au lycée.

Une musique d'ados solitaires, qui s'ennuient, qui sont à pied, qui n'ont pas grand chose d'autre à faire que se promener dans la nature, lire, jouer à des jeux vidéos ou des jeux de rôle d'heroic fantasy.

Adultes, nous n'avons pas tellement changé...

La vie de musicien professionnel est une vie déréglée, comme toutes les vies d'artistes. Ce dérèglement aide peut-être, parfois, à créer des chef-d'oeuvres. Il aide sans aucun doute à explorer des potentialités de l'existence qu'un français moyen, travaillant et vivant une vie de famille classique, ne pourra qu'imaginer ou entrevoir. Mais est-il souhaitable, au fond, d'explorer ces potentialités – qui tiennent quand même souvent de la déglingue, ou de la gloire excessive, empoisonnant l'égo ?

À l'inverse de cela, la bedroom music est dans l'idéal moins celle d'un médiocre amateur que celle d'un gentleman qui vit une vie bien réglée, complète, où chaque chose est à sa place et avec la priorité qui lui revient.

Sa musique est un élément de sa vie, une fleur dans son jardin ; non pas une plante parasite qui l'étouffe peu à peu.

dimanche 22 juillet 2018

J’ai pensé, il y a quelques jours, à l'usure physique et au destin encore plus cruel que subissent parfois les livres – tel texte dont on a perdu l'auteur, tel autre dont il ne subsiste que des bribes... et les livres rares, les livres disparus, mythiques, dont on ne connaît parfois qu'un vague résumé, grâce à d'autres auteurs, eux-mêmes à ensevelis sous les sables du temps.

Les livres cités, plagiés, interpolés dans d'autres œuvres. Sampling littéraire.

Tout cela vaudra tout autant, à l'avenir, pour la musique. Banques de samples, extraits de films, mp3 sans nom, albums dont il ne restera que des rip mal encodés, vieilles cassettes numérisées au contenu non identifié, démos à moitié lisibles par usure de la bande ou du support digital, œuvres dont seuls auront survécu quelques extraits promotionnels, pillages musicaux, plagiats inavoués, remix foireux, groupes disparus dont il ne subsistera que le nom dans des anthologies et dans la mémoire de spécialistes eux-même appelés à disparaître.

En pensant que peut-être, dans cent cinquante ans, il restera qu'une minute de ma musique, mal encodée et non identifiée, sur un coin de support quelconque, je me dis que ça en aura valu la peine.

Quand je fais quelques recherches sur Google ou sur le peer-to-peer, je constate d’ailleurs que ma musique existe essentiellement déjà sous forme de fragments incomplets ou faux, mal encodés parfois, mal catalogués. C'est exactement ce qui doit être.

Renoncer à la complétude. À l’exhaustivité. Faire le deuil de ce qui restera de moi après ma mort.

Faire aussi, déjà, le deuil de toute complétude dans mes futures œuvres.

Accepter l’idée de ne plus produire rien d’autre que des brouillons plus ou moins avancés. Des bribes de mélodies, des samples préparatoires qui ne serviront jamais à rien, des dessins crayonnés sur un coin de feuille, des listes de noms et de dates en guise d’autobiographie. Des scénarios incomplets, des incipit qui ne vont nulle part, des bouts de dialogues sans contexte.

De même, je n'ai accès moi-même qu'à des fragments de ma propre mémoire. Je ne me souviens jamais de tout en même temps. Je ne sais jamais exactement qui je suis et quelle a été ma vie, ni où elle va.

Et je ne donne aux autres accès qu'à des fragments de cette vie qui est et a été la mienne. Des fragments avares, minuscules, peu parlants, qui ne permet à personne de dire qu’il me connaît.

La radio. France Culture, etc. Mixtapes. Musiques, émissions, lectures d'oeuvres littéraires dont j'ignore les titres et les auteurs, interviews de gens dont je ne sais pas qui ils sont.

Ça doit être une technique à exploiter comme créateur. Sortir du besoin de la reconnaissance, pour créer des oeuvres anonymes, volontairement fragmentaires, lacunaire, mal labellisées, etc... plusieurs versions alternatives par oeuvre, pour créer soi-même le doute, l'ambiguité.

jeudi 19 juillet 2018

Improviser, partir de rien, ne même pas savoir quel style de musique ça va donner. Se surprendre. Voir non seulement un style mais une esthétique, un monde, un imaginaire, naître "tous seuls".

samedi 7 avril 2018

Pourquoi l'improvisation et des morceaux bancals, incomplets, etc ?

Parce que c'est de la musique vivante et que nous acceptons les ratés que cela comporte ; les jours sans inspiration ; l'impression générale d'amateurisme et d'incompétence qui se dégage du résultat, et qui est d'ailleurs fidèle à la réalité de ce que nous sommes, comme musiciens : amateurs, incompétents, légers.