samedi 12 mars 2022

Illumination en lisant un article qui parlait des premiers enregistrements de blues, noyés dans le souffle, et de la tendance, à l'inverse, du rock triomphant, de vouloir éliminer les imperfections sonores et les traces sonores mêmes de l'enregistrement (comme le souffle, donc) au profit d'une illusion de présence réelle des musiciens lors de l'écoute. Si on place ces deux choses sur une ligne pour en faire un paradigme, il y a de nos jours un phénomène encore extérieur à ce paradigme, et qui est une dévolution supplémentaire : c'est l'export.

On est passé, imperceptiblement, de la musique enregistrée à la musique exportée, pour les morceaux qui sortent directement de VST et d'un DAW, vers un fichier WAV, quel que soit leur genre musical à proprement parler.

Ce n'est pas forcément le meilleur calcul d'un point de vue technique, mais d'un point de vue moral on peut soutenir l'idée qu'il est nécessaire d'enregistrer ce qu'on a fait, à proprement parler, au lieu de simplement l'exporter. Chaque choix technique porte sa propre morale.

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Je pense que je vais utiliser mon magnétophone Grundig pour enregistrer mes prochains petits morceaux. C'est tellement simple, tellement direct ; ça a en plus l'avantage d'être absolument et authentiquement lo-fi d'un point de vue sonore,  mais ce n'est même pas la raison première.

Même en numérique sur un multipistes, le seul fait de jouer sa musique depuis le PC ou un instrument et de l'inscrire, en temps réel, sur un support, c'est autre chose que de l'export – même si la différence est nulle d'un point de vue technique elle est réelle psychologiquement. Enregistrement = performance, export = simple calcul.

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C'est quand même drôle que je rachète exactement le magnétophone que j'avais enfant, après avoir retrouvé sa marque et sa référence en le voyant dans une vitrine de magasin d'électronique. Et que Xavier rachète par hasard exactement le 4-pistes que j'avais (Yamaha Mt-400). Je me dis parfois que ce sont des signes qu'on a pas été au bout de notre mission il y a vingt ans.

jeudi 10 mars 2022

Images sonores du monde. Un monde miniature. Sa copie tout au moins – son fantôme, enfermé sur un CD, sur une bande, etc.

Un enregistrement sonore est beaucoup plus étrange, beaucoup plus fantômatique qu'une photographie ou qu'un film.

Le souffle est là pour expliciter qu'il s'agit d'un enregistrement ; il ne s'agit pas de créer l'illusion d'une présence des musiciens, au contraire, je veux qu'il soit bien clair qu'il s'agit d'un enregistrement, fait avec tel type de matériel, et que cela impacte le son lui-même et l'expérience de l'écoute. Un enregistrement fait à telle date, dans telles circonstances. C'est comme une page de journal intime.