mardi 13 décembre 2022

Nos morceaux sont minimalistes, peu ambitieux, se répètent d'une fois à l'autre, utilisent un matériel hors d'âge dont nous avons fait mille fois le tour ; nos thématiques sont puériles, celles d'adolescents attardés et de péquenots provinciaux qui romantisent leur lopin de terre ; nous faisons une musique IDIOTE et nous l'assumons entièrement et nous ne voudrions rien faire d'autre – une musique idiote, c'est-à-dire IDIOTIQUE : locale, spécifique, atavique.

samedi 12 mars 2022

Illumination en lisant un article qui parlait des premiers enregistrements de blues, noyés dans le souffle, et de la tendance, à l'inverse, du rock triomphant, de vouloir éliminer les imperfections sonores et les traces sonores mêmes de l'enregistrement (comme le souffle, donc) au profit d'une illusion de présence réelle des musiciens lors de l'écoute. Si on place ces deux choses sur une ligne pour en faire un paradigme, il y a de nos jours un phénomène encore extérieur à ce paradigme, et qui est une dévolution supplémentaire : c'est l'export.

On est passé, imperceptiblement, de la musique enregistrée à la musique exportée, pour les morceaux qui sortent directement de VST et d'un DAW, vers un fichier WAV, quel que soit leur genre musical à proprement parler.

Ce n'est pas forcément le meilleur calcul d'un point de vue technique, mais d'un point de vue moral on peut soutenir l'idée qu'il est nécessaire d'enregistrer ce qu'on a fait, à proprement parler, au lieu de simplement l'exporter. Chaque choix technique porte sa propre morale.

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Je pense que je vais utiliser mon magnétophone Grundig pour enregistrer mes prochains petits morceaux. C'est tellement simple, tellement direct ; ça a en plus l'avantage d'être absolument et authentiquement lo-fi d'un point de vue sonore,  mais ce n'est même pas la raison première.

Même en numérique sur un multipistes, le seul fait de jouer sa musique depuis le PC ou un instrument et de l'inscrire, en temps réel, sur un support, c'est autre chose que de l'export – même si la différence est nulle d'un point de vue technique elle est réelle psychologiquement. Enregistrement = performance, export = simple calcul.

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C'est quand même drôle que je rachète exactement le magnétophone que j'avais enfant, après avoir retrouvé sa marque et sa référence en le voyant dans une vitrine de magasin d'électronique. Et que Xavier rachète par hasard exactement le 4-pistes que j'avais (Yamaha Mt-400). Je me dis parfois que ce sont des signes qu'on a pas été au bout de notre mission il y a vingt ans.

jeudi 10 mars 2022

Images sonores du monde. Un monde miniature. Sa copie tout au moins – son fantôme, enfermé sur un CD, sur une bande, etc.

Un enregistrement sonore est beaucoup plus étrange, beaucoup plus fantômatique qu'une photographie ou qu'un film.

Le souffle est là pour expliciter qu'il s'agit d'un enregistrement ; il ne s'agit pas de créer l'illusion d'une présence des musiciens, au contraire, je veux qu'il soit bien clair qu'il s'agit d'un enregistrement, fait avec tel type de matériel, et que cela impacte le son lui-même et l'expérience de l'écoute. Un enregistrement fait à telle date, dans telles circonstances. C'est comme une page de journal intime.

samedi 22 janvier 2022

J'ai finalisé hier soir la disquette contenant des fichiers MIDI, des photos et une bio de Maelifell, que je voulais faire l'an dernier, pour les 25 ans de la démo 96. L'anniversaire à proprement parler a donc été raté, mais comme il ne fait pas le moindre doute que tout le monde s'en tape, j'imagine que ce n'est pas très grave. C'est une satisfaction, en tous cas, avoir achevé cet objet – j'en ai dupliqué une dizaine, que je donnerai à Xavier, Éric et d'autres, pour le reste on verra selon la demande. De la même manière, je me suis relancé dans la duplication de k7 ; j'ai transféré "Bunker blues" et "Un dimanche d'exécutions" sur bande et ai fait plusieurs copies, avec ma double platine.

C'est plus pour l'objet qu'autre chose, vue la qualité sonore de ces transferts (ça sature gentiment), et j'aime l'objet cassette lui-même, l'idée de la duplication, du fait de faire grandir, dans le monde réel, matériel, un corps d'objets finis dans l'espace où ma musique est contenue – en réalité, on pourrait définir une clé USB ou un serveur Archive.org exactement de la même manière, mais les vieux supports ont quelque chose de plus, peut-être dûs à leur simplicité, au côté artisanal, presque "fait main" (c'est évidemment une illusion) de leur production / duplication, et même leur fiabilité relative et leur fragilité les rendent encore plus aimables.

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En parlant de Maelifell, ça m'a pris tout à coup, alors que depuis des années je louvoie avec 150 projets sous des noms farfelus, pour surtout rester anonymes et empêcher qu'on relie même ces projets inconnus, les uns aux autres, de reprendre le nom Maelifell, continuer ce chemin musical-là, sans crainte de personne ni d'aucune considération extérieure. Comme s'il m'avait fallu toutes ces années et ces efforts vains pour rester dans l'anonymat, pour me faire réaliser que tout le monde s'en tape, de Maelifell et de moi et de mes projets passés et actuels, et que ce ne sont pas trois ennemis dans le milieu qui vont gâcher quoi que ce soit.

Le soulagement a été immédiat. Sensation de revenir à quelque chose de fondamental qui avait mis de côté, négligé, oublié sans raison valable. Des perspectives qui se rouvrent. Des priorités qui se précisent, des bloquages qui disparaissent. Initialement je ne voulais pas toucher à la discographie de Maelifell, je ne voulais pas "gâcher" nos anciens albums, nos "chefs-d'oeuvre" avec de nouveaux albums éventuellement ratés. Et soudain je me suis dit tant pis, avançons, assumons  d'avoir eu plusieurs périodes – le PSS des débuts, le médiéval, le néoclassique, le néofolk – et faisons ce qui nous chante, rien de tout ça n'est sacré, ni tellement sérieux.

J'ai imaginé plein de pochettes différentes, pour des albums futurs, que je ne réaliserai probablement jamais, mais qu'importe, ce débloquage de l'imagination signifie une chose : le projet n'est pas dans le formol, il est vivant, il peut muter en n'importe quoi, rien n'est écrit à l'avance, et notre passé ne nous engage en rien.

dimanche 9 janvier 2022

Décision ce matin, en me promenant, très tôt, alors qu'il faisait sombre, froid, pluvieux, dans la rue de Ruffec : recommencer à noter mes rêves. J'ai besoin de savoir ce que j'ai au fond du crâne, et de pouvoir me souvenir de cette autre moitié de ma vie – quitte à ne pas retenir les rêves dont je sais qu'ils ne m'apprennent rien, ne m'apportent rien.

Autre décision, pas uniquement personnelle : reprendre le nom de Maelifell. Je ne sais pas pourquoi, ça m'a pris comme ça, ces jours-ci, d'abord en renommant le compte Instagram "Waldbruder" en "Maelifell", pour que nos éventuels fans puissent voir notre vie actuelle et notre créativité, quitte à ne rien leur proposer de plus, musicalement... et puis finalement, je me suis dit pourquoi pas, et ai proposé à Xavier de remettre ça, et tant pis pour Félix et Serge et les gens qui ne m'aiment pas et ironiseront ou porteront des jugements sur ce qu'ils verront et entendront à l'avenir – dans l'hypothèse où nos futures oeuvres parviennent à leurs yeux et à leurs oreilles. Tant pis. Et même tant pis pour ceux qui auront aimé la démo, ou "The Summerlands" ou que sais-je, et qui n'aimeront pas la suite, car nous ne leur devons rien. Maintenant que la décision est prise je dois avouer que ça semble absolument évident, c'est comme enfin rentrer chez soi.

J'ai une idée assez précise, sinon des mélodies, de l'ambiance générale que j'aimerais développer sur un prochain album de Maelifell, fait d'alternances, entre les types de sons et d'instruments, les genres musicaux, et les types de qualité d'enregistrement : par exemple un morceau avec des sons General MIDI enregistré sur k7 avec pas mal de souffle, comme à nos débuts, suivi par un morceau fait avec le Technics, qui lui aurait un son propre, ensuite un instrumental entièrement acoustique enregistré au magnétophone, puis un morceau plus électronique, au Volca par exemple, etc... Cela donnerait au tout un aspect plus vivant, organique, qu'un album qui donne l'impression d'avoir été entièrement joué, enregistré, mixé le même jour, avec le même matériel, dans le même état d'esprit.