samedi 28 octobre 2023

"Dans le cercle des bouleaux" – référence à Perunwit, évidemment, avec leur "W kręgu dębów" ("Dans le cercle des chênes"). Les bouleaux sont ceux qui se trouvaient, autrefois, dans les champs, derrière mon immeuble. Les bouleaux m'évoquent à la fois la Sibérie et les Indiens d'Amérique. Deux choses d'ailleurs assez proches, au fond. Enfant j'errais dans ces champs et je tirais avec un arc bricolé à partir d'une branche et d'un bout de ficelle. Ce serait une bonne idée, redevenir un indien.

C'est le premier release depuis la Demo 96 qui comporte de la guitare électrique (il y avait un riff de guitare classique sur "Rois d'ici bas").

Également le premier release qui contient de l'épinette. Maelifell revient vers des racines folk tout en allant aussi dans une direction toujours plus électronique, avec des sons qui n'essaient pas d'émuler des instruments anciens. En même temps les trois premiers morceaux ont un côté cold wave involontaire, que Perunwit avait un peu aussi d'ailleurs. Le release a quelque chose qui me met mal à l'aise. Les mélodies sont froides, tristes. Elles m'évoquent les promenades matinales solitaires, les "promenades à ciel blanc", quand j'étais ado, dans les rues de Sarreguemines et de Neunkirch, et dans les champs, bien sûr. Comme je l'écrivais dans une auto-interview :

J'ai fait d'innombrables balades dans le quartier, par des matinées solitaires, adolescent, au lieu d’aller en cours. Avec le ciel gris, la solitude et Joy Division sur les oreilles. "Down the dark streets, the houses looked the same". C'est une expérience du vide qui m'a marqué pour toujours et que je peux me rappeler à volonté. Le vide de la vie ; l'intuition adolescente, incroyablement puissante et dénuée du moindre doute, que le monde est vide, qu'on y erre et qu'il n'y a rien d'autre à en attendre, que l'existence est sans objet, qu'aucun événement, aucune rencontre, que rien n'arrivera jamais en réalité. Intuition dont je n'ai jamais réussi à me délivrer. Si ce n'est – dans mes bons jours – au moyen de la Foi, qui redonne au monde une réalité qu'il avait perdu ou qu'il n'a pas par lui-même.

La photo de Xavier sur la pochette date d'il y a bien 25 ans. Il ne s'agit évidemment pas de faire "croire" (et à qui, d'ailleurs ?) que c'est son apparence actuelle mais d'être hors du temps.

La mention des synthés utilisés est une référence à ce qui se faisait sur certains vieux albums de DS (Jim Kirkwood il me semble) et de musique électronique en général ; sur la pochette de "Reel to Real" de Lauri Paisley par exemple.

La "face A" (les trois premiers morceaux) sont issus de notre dernière session. La "face B" (les trois suivants) proviennent de sessions plus anciennes – le morceau au piano ayant été fait par moi seul, chez moi.

Notre musique est mal jouée, bancale, toujours sur le point de se planter complètement. C'est volontaire : même si notre incompétence n'est, elle, pas volontaire, nous acceptons nos défaillances et de ne pas nous limiter à ce que nous maîtrisons, et ainsi donc, de mal jouer de tel ou tel instrument peu maîtrisé sur nos releases.

Le mixage est volontairement bas. Nous voulions notre musique lointaine, étouffée, éloignée dans le temps, comme sous des mètres et des mètres de terre.

Une démo avec trois fois rien ; des morceaux courts, avortés, beaucoup de silence, quelques bruitages.

Une musique du vide, de l'absence, de l'oubli.

mardi 5 septembre 2023

Révélation en me promenant, récemment. La distinction entre la musique déjà sortie (comme single, démo, album, etc) et la musique encore privée, sur nos disques durs et nos enregistreurs, n'a plus aucun sens pour moi. Maelifell existe, c'est Xavier et moi ; Maelifell n'existe pas seulement à travers ses releases publics, officiels, il existe tout court. Notre discographie publique n'est qu'une fraction de ce que nous sommes, comme la personna que nous incarnons au travail, en société, dans la rue, etc, n'est qu'une fraction, minimale, pauvre, de ce que nous sommes en totalité.

Maelifell sortira-t-il encore vraiment des "albums" ? N'avons-nous pas dépassé ce stade ? Cette forme commerciale qui n'a plus de sens, puisque précisément nous existons en dehors de tout circuit commercial ?

mardi 13 juin 2023

J'ai passé une partie de l'après-midi à bloquer des gens sur Facebook – des gens que j'ai connus de près ou de loin dans la scène indus il y a 20 ans, et de parfaits inconnus. Je travaille à être invisible, sur les réseaux sociaux, pour ceux qui auraient pu ne serait-ce que lire mon nom une fois dans leur vie. Et je ne veux plus les voir non plus, ne serait-ce que dans la liste d'amis d'autres personnes – ne serait-ce même que croiser leurs noms dans la liste des likes sous telle ou telle publication.

Je veux vivre très exactement dans un univers parallèle et étanche au leur. Tant pis si j'en suis le seul habitant...

Je réalise que j'ai toujours détesté ces milieux. Black metal, gothique, industriel, neofolk, etc. Je n'y suis entré et n'y ai évolué que sur un malentendu – la croyance que le fait d'aimer les mêmes groupes, les mêmes sons, faisait de tous ces gens et moi des alliés naturels, et des gens appeler à collaborer d'une manière ou d'une autre. Des gens à qui je pourrais communiquer quelque chose qu'ils comprendraient et que nous pourrions partager. Ça n'est pas le cas et ne l'a jamais été. Ma musique n'a jamais – de ce que j'ai pu constater en 25 ans – provoqué que des malentendus.

(De la même manière, j'ai fini par accepter l'idée que des personnages comme Tony Wakeford ou David Tibet étaient entièrement dénués d'intérêt, et que les connaître mieux, comme individus et comme artistes, ne m'apporterait rien et au contraire détruirait toujours un peu plus le plaisir que j'ai à les écouter ; à les écouter en fantasmant à leur sujet et au sujet de la scène neofolk, en leur donnant, par ces fantasmes, un intérêt et une noblesse qu'ils n'ont pas par eux-mêmes)

Il est temps d'admettre que je suis entièrement seul et non seulement l'admettre mais m'en réjouir ; me réjouir de la liberté absolue que cela m'apporte.

mercredi 24 mai 2023

"Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire." (Charles Baudelaire)

vendredi 12 mai 2023

Exercice mental : faire une liste de personnalités publiques, dans le monde musical, littéraire, artistique au sens large. Des gens qui ont fait carrière, qui sont respectés. Qui ont probablement un goût sûr et une culture étendue. Les imaginer en train d'écouter ma musique, et de la trouver mauvaise, ridicule, méprisable. M'entraîner à souhaiter qu'il en soit ainsi, et en aucun cas autrement.

vendredi 28 avril 2023

J'ai inventé la musique industrielle, avec Xavier, en 1998, quand nous avons, par une après-midi d'ennui, enregistré "Towers, Open Fire", entièrement improvisée, avec deux claviers pour enfants branchés sur une table de mixage primitive qui permettait de baisser la hauteur du son, ce qui lui donnait au passage une sonorité très métallique. J'avais copié en tout début de bande un passage de Burroughs, lu par lui-même, que j'avais enregistré à la radio :

"Pilot K9, you are cut off — back. Back. Back before the whole fucking shit house goes up — Return to base immediately — Ride music beam back to base — Stay out of that time flak — All pilots ride Pan pipes back to base"

La pochette que Xavier avait conçue ensuite (ou était-ce moi ? peu importe) était un collage, et toutes nos démos ultérieures sous le nom de Fervex devaient reprendre une formule assez similaire : bruit bordélique au clavier, quelques paroles idiotes, plus ou moins humoristiques, faisant référence au totalitarisme, et des pochettes montrant des collages qui utilisaient des figures médiatiques (Kate Moss), au monde de la technique et du travail (ouvriers sur une chaîne de montage), aux résistances populaires (je ne sais plus quelle révolte en Amérique du Sud)... Les titres des morceaux faisaient référence à l'informatique, à la guerre nucléaire, à la surveillance. Bref toute la mythologie Burroughsienne et industrielle à la Throbbing Gristle était là, alors que je n'avais, de ma vie, entendu parler d'eux ni de la musique industrielle. C'était une coincidence totale.

De la même manière, toujours avec Fervex, en poussant un peu loin mes expérimentations sonores, en enregistrant des parasites sur une fréquence vide de la radio, en obtenant un son aigu et strident de mon petit clavier branché sur la table de mixage, en chuchotant des trucs sinistres dans le micro, j'ai quasiment fait du Whitehouse. Je suis donc également l'inventeur, en 1998, du Power Electronics.

Et naturellement, Xavier et moi avons inventé ce que l'on appelle aujourd'hui le Dungeon Synth.

Nos premiers morceaux dans ce style datent de 1994, 1995 – nous étions encore au collège. Xavier a enregistré avec un séquenceur primitif et une Soundblaster, sur le Windows 3.1 de son père, des morceaux médiévalisants en General MIDI. Quant à moi j'avais loué des claviers avec lesquels j'avais enregistré des morceaux du même type, répétitifs, minimalistes, sombres ; dans les deux cas c'était une version primitive, fauchée, adolescente, de Dead Can Dance dont nous étions fan, et très influencée par les musiques des jeux vidéo. Nous n'avions à ce stade jamais entendu parler de Mortiis, de Wongraven ou de Summoning. Et quand la revue Metallian nous permit de découvrir tous ces groupes, ils nous rendirent dingues d'excitation ; non pas parce que nous découvrions quelque chose de radicalement neuf, mais parce que ces groupes réalisaient nos fantasmes, ils nous prouvaient que ce que nous avions imaginés tous seuls, au fond de notre petite ville de province, existait aussi au-dehors de nous, que nous n'étions pas entièrement seuls.

Nous avons donc, Xavier et moi, inventé tous seuls, dans nos chambres d'adolescents, une bonne partie des styles musicaux que nous allions écouter dans les années suivantes.

Je le dis en ayant conscience que c'est une revendication absurde, risible, et je plaisante d'une certaine manière ; et en même temps je le dis tout-à-fait sérieusement. Ces genres musicaux existent de toute éternité, dans le ciel des idées. Nous les avons découverts par nous-mêmes, sans savoir que d'autres nous avaient précédés. Nous n'avons pris aucun train en marche ; nos propres expérimentations ont coincidé avec l'histoire de la musique autour de nous.

*

La conséquence de tout cela, dont je prends vraiment conscience, littéralement des décennies après, c'est que je n'ai besoin d'aucune influence extérieure, musicalement parlant. Quant à Xavier il ne connaît absolument rien à la scène actuelle (ou aux scènes actuelles en général, d'ailleurs) et il a bien raison de n'éprouver aucune curiosité envers elles.

Nous n'avons besoin d'aucune influence extérieure. Nous n'avons besoin de faire partie d'aucune scène.

Au contraire, nous avons besoin de nous libérer toujours plus des conventions stylistiques et thématiques, qui marquent les milieux musicaux que nous avons connus dans notre vie, quels qu'ils soient.

Les thèmes, les textes, les images qui accompagnent notre musique doivent devenir toujours plus personnels, toujours plus "idiotiques". Comme si nous étions très exactement seuls au monde.

lundi 24 avril 2023

Le souffle de la cassette est une image sonore du voile du temps qui nous sépare du passé heureux ; il explicite le fait que ce passé est révolu et lointain, mais il nous le rappelle, également. Il est l'équivalent des couleurs affadies par le temps sur une photographie. Ce souffle électronique et ces couleurs passées sont aussi un rappel que le temps existe, ou a existé ; même si nous vivons aujourd'hui dans un présent éternel et numérique, le temps a existé.

mercredi 19 avril 2023

Mon oeuvre musicale future doit rester secrète, cachée.

Je ne dois pas m'imaginer que les "autres" ne trouveront pas mes musiques, mes images, mes textes pitoyables.

Ce SERA le cas. L'indifférence totale avec laquelle je suis traité jusqu'ici relève plutôt de la chance ; on ne m'a pas encore donné l'occasion d'être humilié, moqué, méprisé.

Je ne dois pas répéter l'erreur que j'ai faite au sortir de l'adolescence, quand j'ai quitté le petit monde régressif et finalement tolérant musicalement du Black Metal pour m'aventurer dans le monde goth/indus.

Je ne suis pas "au niveau" des autres, je ne joue pas dans la même cour, je suis un amateur, un bricoleur, un branleur, tout ce qu'on voudra dans ce genre ; je ne dois pas me risquer à essayer de jouer dans la cour des grands.

Je n'ai jamais, de toutes façons, eu le DÉSIR de jouer dans leur cour, et donc de me "mettre à niveau". Acheter toujours plus de matériel cher et performant, sonner toujours plus pro, toujours plus ambitieux, être en compétition avec les autres en terme de performance, d'innovation, etc.

Je me fous de tout ça. J'ai toujours été un rêveur avant tout. J'aurais tout aussi bien pu ne jamais rien composer mais me contenter d'écrire des biographies fictives de groupes de musique. Ou faire des fausses pochettes. Ou des reviews de disques imaginaires. C'est là que je me situe. Dans la rêverie. Tout comme je n'ai aimé les milieux BM et dark folk que quand je n'en savais presque rien et qu'ils étaient un support pour ma rêverie.

Le mieux que je puisse espérer est que des gens aussi seuls et paumés que moi tombent sur mes productions par hasard et qu'elles trouvent un écho en eux. Les milieux, les scènes, je dois les fuir.

vendredi 3 mars 2023

Si l'on cherche à se faire reconnaître, à influer sur son temps et à être utile, et aimé, alors il y a bien mieux à faire que l'art : il y a la politique, l'amour et la famille, le travail, la vie normale, celle du monde des adultes, qui offre mille excellentes manières d'être quelqu'un.

Il faut faire le deuil de la figure de l'artiste, le deuil du mythe de l'art, et redevenir un enfant qui dessine seul à sa table.

On ne s'adresse pas au "public". Ce mot n'a aucun sens. On s'adresse à soi-même et à ses fantômes. À ses vies perdues. À ceux qu'on a aimé, à ses morts. Le public n'a d'existence qu'en tant que voyeur occasionnel de ce dialogue-là.

vendredi 17 février 2023

Je repense à ce morceau sur le premier album de Perunwit, la piste 4 pour être exact. Une guitare seule, avec du chorus et une réverb, qui joue des arpèges sinistres et lents.

Le morceau évoque le vide et la solitude, comment le fait-il ? Par les silence et par la solitude d'un seul instrument, sans accompagnement. Tout simplement.

Une musique se définit aussi par ses silences et ses lacunes.

mardi 31 janvier 2023

Maelifell, entre 1996 et 2000, a changé de son, de styles, plusieurs fois ; le projet a, autrement dit, évolué.  On peut entendre, depuis les morceaux extrêmement primitifs et marqués par une grande pauvreté technique jusqu'aux compositions très construites (sur "Éternité" ou "Rois d'Ici-bas") utilisant tant des synthétiseurs que des samples ou des instruments acoustiques, ce qui peut sembler une progression logique du groupe, d'un amateurisme total à un certain niveau de compétences, et d'un style ultra-naïf à quelque chose de plus "adulte".

Depuis 2017, date à laquelle nous avons recommencé à travailler ensemble, cette logique n'a plus le moindre sens. À tel point qu'il serait pertinent, dans l'absolu, d'enregistrer secrètement des albums jusqu'à notre mort, puis que quelqu'un les mette en ligne, d'un coup, sans aucune indication de date. Car en effet nous sommes sortis du temps ; sortis de toute idée de progression vs. régression, ou d'évolution vs. stagnation.

Nous enregistrons sans la moindre préméditation ce qui nous passe par la tête, ce qui vient de lui-même, sous l'effet de l'inspiration, du hasard, des spécificités du matériel utilisé ce jour là... Cela peut sonner comme n'importe laquelle de nos anciennes périodes, ou comme quelque chose d'absolument inédit pour nous.

Possédant encore tout le matériel utilisé depuis la Démo 96 jusqu'à "Rois d'Ici-bas" en passant par "La Peste", et ayant étendu notre studio à des synthétiseurs analogiques,  samplers 16 et 8 bit, instruments folkloriques divers, nous sommes en mesure de revisiter tous les styles que nous avons pratiqués, en élargissant notre musique à d'autres ambiances, d'autres genres. "Quel sera le style exact du prochain release de Maelifell" est une question qui n'a pas de sens car nous avons atteint notre propre sorte d'éternité.

mercredi 25 janvier 2023

L'indifférence, quand ce n'est pas l'hostilité, avec laquelle je suis traité dans le monde artistique en général – la musique et la fiction interactive essentiellement – est probablement une bénédiction, une chance qui m'est offerte, d'une part de développer, par la force des choses, de manière totalement autiste, mon propre univers, sans le secours, certes, mais sans l'influence non plus d'un "milieu" chaleureux pour m'entourer, mais aussi, d'autre part, d'échapper à l'orgueil et la prétention délirante des artistes qui obtiennent ne serait-ce qu'un minimum de reconnaissance.

Je SUIS d'un orgueil et d'une prétention délirante mais par chance ma prétention a cessé d'être indexée sur une quelconque idée de mes qualités artistiques ou de l'intérêt que devrait légitimement susciter mon travail auprès du public. Quand bien même je ne ferais plus que dessiner au feutre sur des feuilles de classeur, écrire des histoires de trois lignes bourrées de fautes et enregistrer des chansons de deux notes débilement répétées en boucle, je serais encore, et toujours plus orgueilleux et prétentieux, parce que c'est mon identité, mon être, qui devient mon oeuvre au fil des années ; l'art n'est qu'un pauvre moyen, un chemin comme un autre.

samedi 21 janvier 2023

Je réfléchis souvent à mon rapport à la musique, aux instruments, etc. Tout comme je réfléchis à mon rapport à la photo – dans les deux cas il s’agit du rapport (et le plus intime qui soit) à la technique.

Ma vie intérieure est plus déterminée par la technique (musique enregistrée, films, jeux vidéos, dialogues et lectures sur Internet, photographie, pornographie, etc) que par n'importe quoi d'autre de plus vivant, de plus direct. Mon expérience de la vie est essentiellement médiatisée.

vendredi 20 janvier 2023

Je me suis aperçu d'une chose fondamentale et qui pourtant m'échappait ou que du moins je ne m'étais jamais formulée très clairement : je ne joue plus jamais de musique pour moi-même, pour le plaisir, dans le seul but de batifoler au milieu de mes instruments et de mes sons préférés ; tout ce que je fais est utilitaire, je n'allume mes instruments que pour composer et enregistrer dans la foulée, et quand je le fais c'est avec un projet de disque bien précis, au contenu déjà déterminé dans ma tête. Et ma façon de jouer, ma façon d'écrire un morceau est très froide, "professionnelle", consciente, etc. Je ne laisse à peu près aucune place au hasard, à l'accident, à la folie. Je ne le fais plus, si tant est que je l'ai fait, en tous cas.

Xavier, au contraire, et c'est en l'observant que je me rends compte de mon propre fonctionnement, fait exactement l'inverse : il ne joue que pour lui, pour le plaisir, sans s'enregistrer, sauf si je le supplie littéralement de le faire, et jamais il ne se demande ce qu'il va faire de ses compositions.

Quand nous terminons un album, il ne s'intéresse pas spécialement à la pochette, au titre, au nom du projet, au "concept" qui englobe le tout. Il oublie rapidement ce que nous composons et quand au bout de X mois je lui donne une cassette ou une clé USB contenant notre oeuvre terminée, il redécouvre entièrement notre musique et je dois presque le persuader qu'il s'agit bien de nous, et pas de moi seul.

Moi je suis obsédé par la notion d'album, par l'album en tant qu'objet intellectuel et oeuvre fondamentalement multimédia, où la musique ne va pas, ne peut pas aller sans un accompagnement visuel, et littéraire, sans le storytelling qui entoure ses conditions de production, etc.