mardi 31 janvier 2023

Maelifell, entre 1996 et 2000, a changé de son, de styles, plusieurs fois ; le projet a, autrement dit, évolué.  On peut entendre, depuis les morceaux extrêmement primitifs et marqués par une grande pauvreté technique jusqu'aux compositions très construites (sur "Éternité" ou "Rois d'Ici-bas") utilisant tant des synthétiseurs que des samples ou des instruments acoustiques, ce qui peut sembler une progression logique du groupe, d'un amateurisme total à un certain niveau de compétences, et d'un style ultra-naïf à quelque chose de plus "adulte".

Depuis 2017, date à laquelle nous avons recommencé à travailler ensemble, cette logique n'a plus le moindre sens. À tel point qu'il serait pertinent, dans l'absolu, d'enregistrer secrètement des albums jusqu'à notre mort, puis que quelqu'un les mette en ligne, d'un coup, sans aucune indication de date. Car en effet nous sommes sortis du temps ; sortis de toute idée de progression vs. régression, ou d'évolution vs. stagnation.

Nous enregistrons sans la moindre préméditation ce qui nous passe par la tête, ce qui vient de lui-même, sous l'effet de l'inspiration, du hasard, des spécificités du matériel utilisé ce jour là... Cela peut sonner comme n'importe laquelle de nos anciennes périodes, ou comme quelque chose d'absolument inédit pour nous.

Possédant encore tout le matériel utilisé depuis la Démo 96 jusqu'à "Rois d'Ici-bas" en passant par "La Peste", et ayant étendu notre studio à des synthétiseurs analogiques,  samplers 16 et 8 bit, instruments folkloriques divers, nous sommes en mesure de revisiter tous les styles que nous avons pratiqués, en élargissant notre musique à d'autres ambiances, d'autres genres. "Quel sera le style exact du prochain release de Maelifell" est une question qui n'a pas de sens car nous avons atteint notre propre sorte d'éternité.

mercredi 25 janvier 2023

L'indifférence, quand ce n'est pas l'hostilité, avec laquelle je suis traité dans le monde artistique en général – la musique et la fiction interactive essentiellement – est probablement une bénédiction, une chance qui m'est offerte, d'une part de développer, par la force des choses, de manière totalement autiste, mon propre univers, sans le secours, certes, mais sans l'influence non plus d'un "milieu" chaleureux pour m'entourer, mais aussi, d'autre part, d'échapper à l'orgueil et la prétention délirante des artistes qui obtiennent ne serait-ce qu'un minimum de reconnaissance.

Je SUIS d'un orgueil et d'une prétention délirante mais par chance ma prétention a cessé d'être indexée sur une quelconque idée de mes qualités artistiques ou de l'intérêt que devrait légitimement susciter mon travail auprès du public. Quand bien même je ne ferais plus que dessiner au feutre sur des feuilles de classeur, écrire des histoires de trois lignes bourrées de fautes et enregistrer des chansons de deux notes débilement répétées en boucle, je serais encore, et toujours plus orgueilleux et prétentieux, parce que c'est mon identité, mon être, qui devient mon oeuvre au fil des années ; l'art n'est qu'un pauvre moyen, un chemin comme un autre.

samedi 21 janvier 2023

Je réfléchis souvent à mon rapport à la musique, aux instruments, etc. Tout comme je réfléchis à mon rapport à la photo – dans les deux cas il s’agit du rapport (et le plus intime qui soit) à la technique.

Ma vie intérieure est plus déterminée par la technique (musique enregistrée, films, jeux vidéos, dialogues et lectures sur Internet, photographie, pornographie, etc) que par n'importe quoi d'autre de plus vivant, de plus direct. Mon expérience de la vie est essentiellement médiatisée.

vendredi 20 janvier 2023

Je me suis aperçu d'une chose fondamentale et qui pourtant m'échappait ou que du moins je ne m'étais jamais formulée très clairement : je ne joue plus jamais de musique pour moi-même, pour le plaisir, dans le seul but de batifoler au milieu de mes instruments et de mes sons préférés ; tout ce que je fais est utilitaire, je n'allume mes instruments que pour composer et enregistrer dans la foulée, et quand je le fais c'est avec un projet de disque bien précis, au contenu déjà déterminé dans ma tête. Et ma façon de jouer, ma façon d'écrire un morceau est très froide, "professionnelle", consciente, etc. Je ne laisse à peu près aucune place au hasard, à l'accident, à la folie. Je ne le fais plus, si tant est que je l'ai fait, en tous cas.

Xavier, au contraire, et c'est en l'observant que je me rends compte de mon propre fonctionnement, fait exactement l'inverse : il ne joue que pour lui, pour le plaisir, sans s'enregistrer, sauf si je le supplie littéralement de le faire, et jamais il ne se demande ce qu'il va faire de ses compositions.

Quand nous terminons un album, il ne s'intéresse pas spécialement à la pochette, au titre, au nom du projet, au "concept" qui englobe le tout. Il oublie rapidement ce que nous composons et quand au bout de X mois je lui donne une cassette ou une clé USB contenant notre oeuvre terminée, il redécouvre entièrement notre musique et je dois presque le persuader qu'il s'agit bien de nous, et pas de moi seul.

Moi je suis obsédé par la notion d'album, par l'album en tant qu'objet intellectuel et oeuvre fondamentalement multimédia, où la musique ne va pas, ne peut pas aller sans un accompagnement visuel, et littéraire, sans le storytelling qui entoure ses conditions de production, etc.