mardi 6 février 2024

Que m'ont apprises toutes ces dernières années en matière de création musicale ? Au sujet, plus précisément, de ma propre créativité ?

• Que changer de style périodiquement, même (et surtout) radicalement, permet de renouveller son inspiration. Idem pour "changer de nom de projet". Dans l'absolu, même, il ne faudrait faire que des premiers albums, en changeant de genre à chaque fois.

• Que mes meilleurs albums, ou du moins ceux que je préfère, sont ceux qui n'étaient pas prémédités, qui se sont construits en quelque sorte tous seuls, au fil du temps et du hasard. Que je dois m'efforcer de composer, travailler "à l'aveugle", sans préméditer le résultat final, sans penser déjà aux réactions et au discours qui entourera l'album avant d'en avoir écrit la première note ; parce que ça crée plus d'angoisse que de plaisir, et que ça produit des albums plus médiocres.

• Que je peux me tromper longtemps sur la nature de ma propre musique et d'un projet musical en particulier : j'ai par exemple cru jusque récemment que Maelifell avait une identité musicale précise et que  comme je ne souhaitais pas m'y replonger sa discographie était donc close ; il m'a fallu m'y repencher en détail pour réaliser qu'en réalité nous n'avions JAMAIS sorti deux releases identiques du point de vue stylistique, et que donc Maelifell n'avait pas d'identité en dehors du fait d'être le groupe de Xavier et moi. Et donc que nous étions libres. Que ça pouvait continuer.

• Que les "genres musicaux" et les "scènes" sont des prisons. Y appartenir, une castration. Les groupes que j'aime sont ceux qui ont crée leur propre genre (et ont été imités ensuite par des milliers d'autres mais c'est une autre question). Et tout cela, d'autant plus dans la mesure où Xavier et moi avons involontairement "inventé" le dungeon synth avant de découvrir qu'il existait déjà, et que nous avons également "inventé" la musique industrielle avant d'entendre parler de Throbbing Gristle. En toute humilité, nous sommes des inventeurs, pas des suiveurs.

• Que je peux trouver du sens, une exégèse complète, à des albums (comme "Im Kreis der Birken") dont le contenu à moitié du hasard de l'impro, à moitié du raclâge de fonds de tiroir. Moralité : je n'ai pas BESOIN de partir d'un concept ou d'idées même en vrac, la musique seule suffit, elle se fait d'elle-même, et j'y trouverai tout le sens dont j'ai besoin, après coup.

• Que mes faibles capacités ET mes choix esthétiques me privent probablement à jamais de tout succès et même de tout respect ; qu'il est probable que l'immense majorité des gens qui tombent sur mes morceaux doivent pouffer de rire ou de mépris. Et que je dois non seulement l'accepter mais y trouver un certain plaisir.

• Que créer comporte une part de magie, au sens fort du terme, et qu'il faut s'attendre à des phénomènes inexplicables comme les synchronicités : ainsi Florence m'avait offert le livre "En Patagonie" de Bruce Chatwin à l'époque où je travaillais sur l'album du même nom, ce qu'elle ne savait pas. De même, depuis 2017, Xavier a involontairement racheté le même 4-pistes Yamaha que j'utilisais à l'époque, et moi je suis tombé "comme par hasard" dans une vitrine sur le magnétophone Grundig que j'avais enfant et sur lequel j'ai fait mes tout premiers enregistrements.

• Qu'être mon premier fan, mon premier critique, mon propre biographe, et qu'écrire au sujet de ma musique comme d'un sujet culturel de premier plan, était tout-à-fait légitime et bénéfique. L'humilité n'apporte aucun plaisir ni aucune plue-value en matière d'art.

• Que mentir éhontément, monter des canulars, verser dans la fiction pure, était tout aussi légitime et amusant. La vie est insuffisante mais l'imaginaire permet non seulement de se consoler mais aussi d'élargir la vie en retour, de créer de nouvelles situations dans la vie réelle. L'imaginaire ensemence la vie réelle.

• Que dans la mesure où j'ai passé près de 10 ans sans faire, quasiment, de musique (entre ma rupture avec Florence et mes retrouvailles avec Xavier) pour m'y remettre suite à un pur hasard de la vie, il est donc impossible de savoir quand sa "carrière" s'arrêtera, ni, quand elle s'arrête, si c'est définitif ou pas. Autrement dit on ne maîtrise pas le fait d'avoir ou non une activité artistique. Ça s'impose à vous ; et ça peut disparaître même si on ne le souhaitait pas.

samedi 13 janvier 2024

J'ai téléchargé un paquet de VST ces derniers jours, avec une petite pointe de nostalgie du début des années 2000, à cause de leur interface parfois grotesquement "science-fiction", qui évoque déjà je ne sais quel rétrofuturisme encore à venir, et parce que j'ai quand même passé quelques années à ne bosser qu'avec ça (parallèlement à mes compos pour Maelifell ou FDS qui elles se passaient entièrement de PC).

Il y a une certaine pureté dans le fait de ne composer qu'avec un PC, un séquenceur, des VST, et éventuellement un clavier maître. J'ai toujours détesté les enchevêtrements de câbles, les mille et un problèmes de branchements, de compatibilité, de réglages MIDI, de latence, etc... De ce point de vue le travail en studio chez Xavier ou chez moi a parfois des allures de supplice.

Les VST ont leurs propres défauts et leurs propres limites, bien entendu – ils sont froids et se ressemblent souvent beaucoup trop, et après en avoir passé X dizaines en revue on est tellement saturé de sons identiques et décourageants qu'on envisagerait presque après soulagement d'arrêter toute activité musicale. Mais je crois quand même en avoir trouvé quelques uns qui me manquaient, en terme de "types de sons", d'ambiances... Notamment d'excellents pads ambient très 90's et des percussions FM mi-tribales mi-métalliques.

L'idée derrière tout ça est de composer avec des sons que j'utilise rarement (ou n'ai même jamais utilisé jusqu'ici) pour me renouveller musicalement et donner naissance à des compos dont je ne sais pas encore, et ne veut pas savoir par avance à quoi elles ressembleront, à quel "style" on pourra les assimiler, si tant est qu'il faille justement s'assimiler à un style ou une scène. Je recherche la sensation d'avancer totalement à l'aveugle, dans l'inconnu, sans aucun déterminisme, sans idée préconçue, sans but.

Depuis un certain nombre d'années j'ai pu constater que mes meilleurs albums, ou du moins ceux que je préfère, sont ceux qui n'étaient pas prémédités, qui se sont construits en quelque sorte tous seuls, au fil du temps et du hasard des découvertes en matière de samples ou de VST ; j'ai la conviction profonde que chaque synthé, chaque banque de samples ou de presets, "contient" en germe son propre genre musical et les morceaux qui y correspondent. Il suffit d'en changer de temps à autres et de se laisser porter ; la musique se crée d'elle-même. Et il est bon de ne pas tout contrôler, de pouvoir être surpris et changé par ce qu'on a soi-même crée ou contribué à créer, comme le simple canal de transmission d'un message venu de Dieu, ou de son propre inconscient, ou de nulle part.

mardi 9 janvier 2024

Les premiers morceaux de Maelifell – ou plus exactement de ce qui allait devenir Maelifell – ont été écrits et enregistrés vers 1994-1995.

Xavier et moi étions encore au collège et écoutions essentiellement du heavy metal, de la cold wave, et Dead Can Dance, que nous pensions unique dans son genre (et de fait, cela n'est pas entièrement faux). Je connaissais l'existence du black metal mais n'en avais jamais écouté.

À la même époque, j'enregistrais également seul, pour un groupe que j'avais appelé Hesperides Garden et qui a connu un maximum de... deux membres. Deux guitaristes, pas de basse, pas de batterie, pas de clavier ; on était encore loin de ce dont je rêvais. Mais il m'arrivait de louer des claviers au magasin de musique local et d'enregistrer des morceaux seul. Certains sont sortis sous le nom Hesperides Garden, d'autres ont fini sur la première démo de Maelifell.

Ce que je veux dire à travers ces anecdotes est que même si Maelifell (je n'ai aucune intention de le nier ou de réécrire l'histoire) a été porté, encouragé, désinhibé par notre découverte du black metal et de groupes comme Mortiis, fondamentalement, nous existions déjà avant de les connaître, nous avions une esthétique propre, des thématiques propres, et notre background vient autant du post-punk et de ses mutations que des mutations du metal (le "dungeon synth").

Maelifell a croisé l'histoire du dungeon synth (tout comme il a croisé plus tard celle des milieux néoclassique / darkwave) mais ne lui appartient pas et n'a pas été déterminé par lui.

samedi 28 octobre 2023

"Dans le cercle des bouleaux" – référence à Perunwit, évidemment, avec leur "W kręgu dębów" ("Dans le cercle des chênes"). Les bouleaux sont ceux qui se trouvaient, autrefois, dans les champs, derrière mon immeuble. Les bouleaux m'évoquent à la fois la Sibérie et les Indiens d'Amérique. Deux choses d'ailleurs assez proches, au fond. Enfant j'errais dans ces champs et je tirais avec un arc bricolé à partir d'une branche et d'un bout de ficelle. Ce serait une bonne idée, redevenir un indien.

C'est le premier release depuis la Demo 96 qui comporte de la guitare électrique (il y avait un riff de guitare classique sur "Rois d'ici bas").

Également le premier release qui contient de l'épinette. Maelifell revient vers des racines folk tout en allant aussi dans une direction toujours plus électronique, avec des sons qui n'essaient pas d'émuler des instruments anciens. En même temps les trois premiers morceaux ont un côté cold wave involontaire, que Perunwit avait un peu aussi d'ailleurs. Le release a quelque chose qui me met mal à l'aise. Les mélodies sont froides, tristes. Elles m'évoquent les promenades matinales solitaires, les "promenades à ciel blanc", quand j'étais ado, dans les rues de Sarreguemines et de Neunkirch, et dans les champs, bien sûr. Comme je l'écrivais dans une auto-interview :

J'ai fait d'innombrables balades dans le quartier, par des matinées solitaires, adolescent, au lieu d’aller en cours. Avec le ciel gris, la solitude et Joy Division sur les oreilles. "Down the dark streets, the houses looked the same". C'est une expérience du vide qui m'a marqué pour toujours et que je peux me rappeler à volonté. Le vide de la vie ; l'intuition adolescente, incroyablement puissante et dénuée du moindre doute, que le monde est vide, qu'on y erre et qu'il n'y a rien d'autre à en attendre, que l'existence est sans objet, qu'aucun événement, aucune rencontre, que rien n'arrivera jamais en réalité. Intuition dont je n'ai jamais réussi à me délivrer. Si ce n'est – dans mes bons jours – au moyen de la Foi, qui redonne au monde une réalité qu'il avait perdu ou qu'il n'a pas par lui-même.

La photo de Xavier sur la pochette date d'il y a bien 25 ans. Il ne s'agit évidemment pas de faire "croire" (et à qui, d'ailleurs ?) que c'est son apparence actuelle mais d'être hors du temps.

La mention des synthés utilisés est une référence à ce qui se faisait sur certains vieux albums de DS (Jim Kirkwood il me semble) et de musique électronique en général ; sur la pochette de "Reel to Real" de Lauri Paisley par exemple.

La "face A" (les trois premiers morceaux) sont issus de notre dernière session. La "face B" (les trois suivants) proviennent de sessions plus anciennes – le morceau au piano ayant été fait par moi seul, chez moi.

Notre musique est mal jouée, bancale, toujours sur le point de se planter complètement. C'est volontaire : même si notre incompétence n'est, elle, pas volontaire, nous acceptons nos défaillances et de ne pas nous limiter à ce que nous maîtrisons, et ainsi donc, de mal jouer de tel ou tel instrument peu maîtrisé sur nos releases.

Le mixage est volontairement bas. Nous voulions notre musique lointaine, étouffée, éloignée dans le temps, comme sous des mètres et des mètres de terre.

Une démo avec trois fois rien ; des morceaux courts, avortés, beaucoup de silence, quelques bruitages.

Une musique du vide, de l'absence, de l'oubli.

mardi 5 septembre 2023

Révélation en me promenant, récemment. La distinction entre la musique déjà sortie (comme single, démo, album, etc) et la musique encore privée, sur nos disques durs et nos enregistreurs, n'a plus aucun sens pour moi. Maelifell existe, c'est Xavier et moi ; Maelifell n'existe pas seulement à travers ses releases publics, officiels, il existe tout court. Notre discographie publique n'est qu'une fraction de ce que nous sommes, comme la personna que nous incarnons au travail, en société, dans la rue, etc, n'est qu'une fraction, minimale, pauvre, de ce que nous sommes en totalité.

Maelifell sortira-t-il encore vraiment des "albums" ? N'avons-nous pas dépassé ce stade ? Cette forme commerciale qui n'a plus de sens, puisque précisément nous existons en dehors de tout circuit commercial ?

mardi 13 juin 2023

J'ai passé une partie de l'après-midi à bloquer des gens sur Facebook – des gens que j'ai connus de près ou de loin dans la scène indus il y a 20 ans, et de parfaits inconnus. Je travaille à être invisible, sur les réseaux sociaux, pour ceux qui auraient pu ne serait-ce que lire mon nom une fois dans leur vie. Et je ne veux plus les voir non plus, ne serait-ce que dans la liste d'amis d'autres personnes – ne serait-ce même que croiser leurs noms dans la liste des likes sous telle ou telle publication.

Je veux vivre très exactement dans un univers parallèle et étanche au leur. Tant pis si j'en suis le seul habitant...

Je réalise que j'ai toujours détesté ces milieux. Black metal, gothique, industriel, neofolk, etc. Je n'y suis entré et n'y ai évolué que sur un malentendu – la croyance que le fait d'aimer les mêmes groupes, les mêmes sons, faisait de tous ces gens et moi des alliés naturels, et des gens appeler à collaborer d'une manière ou d'une autre. Des gens à qui je pourrais communiquer quelque chose qu'ils comprendraient et que nous pourrions partager. Ça n'est pas le cas et ne l'a jamais été. Ma musique n'a jamais – de ce que j'ai pu constater en 25 ans – provoqué que des malentendus.

(De la même manière, j'ai fini par accepter l'idée que des personnages comme Tony Wakeford ou David Tibet étaient entièrement dénués d'intérêt, et que les connaître mieux, comme individus et comme artistes, ne m'apporterait rien et au contraire détruirait toujours un peu plus le plaisir que j'ai à les écouter ; à les écouter en fantasmant à leur sujet et au sujet de la scène neofolk, en leur donnant, par ces fantasmes, un intérêt et une noblesse qu'ils n'ont pas par eux-mêmes)

Il est temps d'admettre que je suis entièrement seul et non seulement l'admettre mais m'en réjouir ; me réjouir de la liberté absolue que cela m'apporte.

mercredi 24 mai 2023

"Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire." (Charles Baudelaire)

vendredi 12 mai 2023

Exercice mental : faire une liste de personnalités publiques, dans le monde musical, littéraire, artistique au sens large. Des gens qui ont fait carrière, qui sont respectés. Qui ont probablement un goût sûr et une culture étendue. Les imaginer en train d'écouter ma musique, et de la trouver mauvaise, ridicule, méprisable. M'entraîner à souhaiter qu'il en soit ainsi, et en aucun cas autrement.

vendredi 28 avril 2023

J'ai inventé la musique industrielle, avec Xavier, en 1998, quand nous avons, par une après-midi d'ennui, enregistré "Towers, Open Fire", entièrement improvisée, avec deux claviers pour enfants branchés sur une table de mixage primitive qui permettait de baisser la hauteur du son, ce qui lui donnait au passage une sonorité très métallique. J'avais copié en tout début de bande un passage de Burroughs, lu par lui-même, que j'avais enregistré à la radio :

"Pilot K9, you are cut off — back. Back. Back before the whole fucking shit house goes up — Return to base immediately — Ride music beam back to base — Stay out of that time flak — All pilots ride Pan pipes back to base"

La pochette que Xavier avait conçue ensuite (ou était-ce moi ? peu importe) était un collage, et toutes nos démos ultérieures sous le nom de Fervex devaient reprendre une formule assez similaire : bruit bordélique au clavier, quelques paroles idiotes, plus ou moins humoristiques, faisant référence au totalitarisme, et des pochettes montrant des collages qui utilisaient des figures médiatiques (Kate Moss), au monde de la technique et du travail (ouvriers sur une chaîne de montage), aux résistances populaires (je ne sais plus quelle révolte en Amérique du Sud)... Les titres des morceaux faisaient référence à l'informatique, à la guerre nucléaire, à la surveillance. Bref toute la mythologie Burroughsienne et industrielle à la Throbbing Gristle était là, alors que je n'avais, de ma vie, entendu parler d'eux ni de la musique industrielle. C'était une coincidence totale.

De la même manière, toujours avec Fervex, en poussant un peu loin mes expérimentations sonores, en enregistrant des parasites sur une fréquence vide de la radio, en obtenant un son aigu et strident de mon petit clavier branché sur la table de mixage, en chuchotant des trucs sinistres dans le micro, j'ai quasiment fait du Whitehouse. Je suis donc également l'inventeur, en 1998, du Power Electronics.

Et naturellement, Xavier et moi avons inventé ce que l'on appelle aujourd'hui le Dungeon Synth.

Nos premiers morceaux dans ce style datent de 1994, 1995 – nous étions encore au collège. Xavier a enregistré avec un séquenceur primitif et une Soundblaster, sur le Windows 3.1 de son père, des morceaux médiévalisants en General MIDI. Quant à moi j'avais loué des claviers avec lesquels j'avais enregistré des morceaux du même type, répétitifs, minimalistes, sombres ; dans les deux cas c'était une version primitive, fauchée, adolescente, de Dead Can Dance dont nous étions fan, et très influencée par les musiques des jeux vidéo. Nous n'avions à ce stade jamais entendu parler de Mortiis, de Wongraven ou de Summoning. Et quand la revue Metallian nous permit de découvrir tous ces groupes, ils nous rendirent dingues d'excitation ; non pas parce que nous découvrions quelque chose de radicalement neuf, mais parce que ces groupes réalisaient nos fantasmes, ils nous prouvaient que ce que nous avions imaginés tous seuls, au fond de notre petite ville de province, existait aussi au-dehors de nous, que nous n'étions pas entièrement seuls.

Nous avons donc, Xavier et moi, inventé tous seuls, dans nos chambres d'adolescents, une bonne partie des styles musicaux que nous allions écouter dans les années suivantes.

Je le dis en ayant conscience que c'est une revendication absurde, risible, et je plaisante d'une certaine manière ; et en même temps je le dis tout-à-fait sérieusement. Ces genres musicaux existent de toute éternité, dans le ciel des idées. Nous les avons découverts par nous-mêmes, sans savoir que d'autres nous avaient précédés. Nous n'avons pris aucun train en marche ; nos propres expérimentations ont coincidé avec l'histoire de la musique autour de nous.

*

La conséquence de tout cela, dont je prends vraiment conscience, littéralement des décennies après, c'est que je n'ai besoin d'aucune influence extérieure, musicalement parlant. Quant à Xavier il ne connaît absolument rien à la scène actuelle (ou aux scènes actuelles en général, d'ailleurs) et il a bien raison de n'éprouver aucune curiosité envers elles.

Nous n'avons besoin d'aucune influence extérieure. Nous n'avons besoin de faire partie d'aucune scène.

Au contraire, nous avons besoin de nous libérer toujours plus des conventions stylistiques et thématiques, qui marquent les milieux musicaux que nous avons connus dans notre vie, quels qu'ils soient.

Les thèmes, les textes, les images qui accompagnent notre musique doivent devenir toujours plus personnels, toujours plus "idiotiques". Comme si nous étions très exactement seuls au monde.

lundi 24 avril 2023

Le souffle de la cassette est une image sonore du voile du temps qui nous sépare du passé heureux ; il explicite le fait que ce passé est révolu et lointain, mais il nous le rappelle, également. Il est l'équivalent des couleurs affadies par le temps sur une photographie. Ce souffle électronique et ces couleurs passées sont aussi un rappel que le temps existe, ou a existé ; même si nous vivons aujourd'hui dans un présent éternel et numérique, le temps a existé.

mercredi 19 avril 2023

Mon oeuvre musicale future doit rester secrète, cachée.

Je ne dois pas m'imaginer que les "autres" ne trouveront pas mes musiques, mes images, mes textes pitoyables.

Ce SERA le cas. L'indifférence totale avec laquelle je suis traité jusqu'ici relève plutôt de la chance ; on ne m'a pas encore donné l'occasion d'être humilié, moqué, méprisé.

Je ne dois pas répéter l'erreur que j'ai faite au sortir de l'adolescence, quand j'ai quitté le petit monde régressif et finalement tolérant musicalement du Black Metal pour m'aventurer dans le monde goth/indus.

Je ne suis pas "au niveau" des autres, je ne joue pas dans la même cour, je suis un amateur, un bricoleur, un branleur, tout ce qu'on voudra dans ce genre ; je ne dois pas me risquer à essayer de jouer dans la cour des grands.

Je n'ai jamais, de toutes façons, eu le DÉSIR de jouer dans leur cour, et donc de me "mettre à niveau". Acheter toujours plus de matériel cher et performant, sonner toujours plus pro, toujours plus ambitieux, être en compétition avec les autres en terme de performance, d'innovation, etc.

Je me fous de tout ça. J'ai toujours été un rêveur avant tout. J'aurais tout aussi bien pu ne jamais rien composer mais me contenter d'écrire des biographies fictives de groupes de musique. Ou faire des fausses pochettes. Ou des reviews de disques imaginaires. C'est là que je me situe. Dans la rêverie. Tout comme je n'ai aimé les milieux BM et dark folk que quand je n'en savais presque rien et qu'ils étaient un support pour ma rêverie.

Le mieux que je puisse espérer est que des gens aussi seuls et paumés que moi tombent sur mes productions par hasard et qu'elles trouvent un écho en eux. Les milieux, les scènes, je dois les fuir.

vendredi 3 mars 2023

Si l'on cherche à se faire reconnaître, à influer sur son temps et à être utile, et aimé, alors il y a bien mieux à faire que l'art : il y a la politique, l'amour et la famille, le travail, la vie normale, celle du monde des adultes, qui offre mille excellentes manières d'être quelqu'un.

Il faut faire le deuil de la figure de l'artiste, le deuil du mythe de l'art, et redevenir un enfant qui dessine seul à sa table.

On ne s'adresse pas au "public". Ce mot n'a aucun sens. On s'adresse à soi-même et à ses fantômes. À ses vies perdues. À ceux qu'on a aimé, à ses morts. Le public n'a d'existence qu'en tant que voyeur occasionnel de ce dialogue-là.

vendredi 17 février 2023

Je repense à ce morceau sur le premier album de Perunwit, la piste 4 pour être exact. Une guitare seule, avec du chorus et une réverb, qui joue des arpèges sinistres et lents.

Le morceau évoque le vide et la solitude, comment le fait-il ? Par les silence et par la solitude d'un seul instrument, sans accompagnement. Tout simplement.

Une musique se définit aussi par ses silences et ses lacunes.

mardi 31 janvier 2023

Maelifell, entre 1996 et 2000, a changé de son, de styles, plusieurs fois ; le projet a, autrement dit, évolué.  On peut entendre, depuis les morceaux extrêmement primitifs et marqués par une grande pauvreté technique jusqu'aux compositions très construites (sur "Éternité" ou "Rois d'Ici-bas") utilisant tant des synthétiseurs que des samples ou des instruments acoustiques, ce qui peut sembler une progression logique du groupe, d'un amateurisme total à un certain niveau de compétences, et d'un style ultra-naïf à quelque chose de plus "adulte".

Depuis 2017, date à laquelle nous avons recommencé à travailler ensemble, cette logique n'a plus le moindre sens. À tel point qu'il serait pertinent, dans l'absolu, d'enregistrer secrètement des albums jusqu'à notre mort, puis que quelqu'un les mette en ligne, d'un coup, sans aucune indication de date. Car en effet nous sommes sortis du temps ; sortis de toute idée de progression vs. régression, ou d'évolution vs. stagnation.

Nous enregistrons sans la moindre préméditation ce qui nous passe par la tête, ce qui vient de lui-même, sous l'effet de l'inspiration, du hasard, des spécificités du matériel utilisé ce jour là... Cela peut sonner comme n'importe laquelle de nos anciennes périodes, ou comme quelque chose d'absolument inédit pour nous.

Possédant encore tout le matériel utilisé depuis la Démo 96 jusqu'à "Rois d'Ici-bas" en passant par "La Peste", et ayant étendu notre studio à des synthétiseurs analogiques,  samplers 16 et 8 bit, instruments folkloriques divers, nous sommes en mesure de revisiter tous les styles que nous avons pratiqués, en élargissant notre musique à d'autres ambiances, d'autres genres. "Quel sera le style exact du prochain release de Maelifell" est une question qui n'a pas de sens car nous avons atteint notre propre sorte d'éternité.

mercredi 25 janvier 2023

L'indifférence, quand ce n'est pas l'hostilité, avec laquelle je suis traité dans le monde artistique en général – la musique et la fiction interactive essentiellement – est probablement une bénédiction, une chance qui m'est offerte, d'une part de développer, par la force des choses, de manière totalement autiste, mon propre univers, sans le secours, certes, mais sans l'influence non plus d'un "milieu" chaleureux pour m'entourer, mais aussi, d'autre part, d'échapper à l'orgueil et la prétention délirante des artistes qui obtiennent ne serait-ce qu'un minimum de reconnaissance.

Je SUIS d'un orgueil et d'une prétention délirante mais par chance ma prétention a cessé d'être indexée sur une quelconque idée de mes qualités artistiques ou de l'intérêt que devrait légitimement susciter mon travail auprès du public. Quand bien même je ne ferais plus que dessiner au feutre sur des feuilles de classeur, écrire des histoires de trois lignes bourrées de fautes et enregistrer des chansons de deux notes débilement répétées en boucle, je serais encore, et toujours plus orgueilleux et prétentieux, parce que c'est mon identité, mon être, qui devient mon oeuvre au fil des années ; l'art n'est qu'un pauvre moyen, un chemin comme un autre.

samedi 21 janvier 2023

Je réfléchis souvent à mon rapport à la musique, aux instruments, etc. Tout comme je réfléchis à mon rapport à la photo – dans les deux cas il s’agit du rapport (et le plus intime qui soit) à la technique.

Ma vie intérieure est plus déterminée par la technique (musique enregistrée, films, jeux vidéos, dialogues et lectures sur Internet, photographie, pornographie, etc) que par n'importe quoi d'autre de plus vivant, de plus direct. Mon expérience de la vie est essentiellement médiatisée.

vendredi 20 janvier 2023

Je me suis aperçu d'une chose fondamentale et qui pourtant m'échappait ou que du moins je ne m'étais jamais formulée très clairement : je ne joue plus jamais de musique pour moi-même, pour le plaisir, dans le seul but de batifoler au milieu de mes instruments et de mes sons préférés ; tout ce que je fais est utilitaire, je n'allume mes instruments que pour composer et enregistrer dans la foulée, et quand je le fais c'est avec un projet de disque bien précis, au contenu déjà déterminé dans ma tête. Et ma façon de jouer, ma façon d'écrire un morceau est très froide, "professionnelle", consciente, etc. Je ne laisse à peu près aucune place au hasard, à l'accident, à la folie. Je ne le fais plus, si tant est que je l'ai fait, en tous cas.

Xavier, au contraire, et c'est en l'observant que je me rends compte de mon propre fonctionnement, fait exactement l'inverse : il ne joue que pour lui, pour le plaisir, sans s'enregistrer, sauf si je le supplie littéralement de le faire, et jamais il ne se demande ce qu'il va faire de ses compositions.

Quand nous terminons un album, il ne s'intéresse pas spécialement à la pochette, au titre, au nom du projet, au "concept" qui englobe le tout. Il oublie rapidement ce que nous composons et quand au bout de X mois je lui donne une cassette ou une clé USB contenant notre oeuvre terminée, il redécouvre entièrement notre musique et je dois presque le persuader qu'il s'agit bien de nous, et pas de moi seul.

Moi je suis obsédé par la notion d'album, par l'album en tant qu'objet intellectuel et oeuvre fondamentalement multimédia, où la musique ne va pas, ne peut pas aller sans un accompagnement visuel, et littéraire, sans le storytelling qui entoure ses conditions de production, etc.

mardi 13 décembre 2022

Nos morceaux sont minimalistes, peu ambitieux, se répètent d'une fois à l'autre, utilisent un matériel hors d'âge dont nous avons fait mille fois le tour ; nos thématiques sont puériles, celles d'adolescents attardés et de péquenots provinciaux qui romantisent leur lopin de terre ; nous faisons une musique IDIOTE et nous l'assumons entièrement et nous ne voudrions rien faire d'autre – une musique idiote, c'est-à-dire IDIOTIQUE : locale, spécifique, atavique.

samedi 12 mars 2022

Illumination en lisant un article qui parlait des premiers enregistrements de blues, noyés dans le souffle, et de la tendance, à l'inverse, du rock triomphant, de vouloir éliminer les imperfections sonores et les traces sonores mêmes de l'enregistrement (comme le souffle, donc) au profit d'une illusion de présence réelle des musiciens lors de l'écoute. Si on place ces deux choses sur une ligne pour en faire un paradigme, il y a de nos jours un phénomène encore extérieur à ce paradigme, et qui est une dévolution supplémentaire : c'est l'export.

On est passé, imperceptiblement, de la musique enregistrée à la musique exportée, pour les morceaux qui sortent directement de VST et d'un DAW, vers un fichier WAV, quel que soit leur genre musical à proprement parler.

Ce n'est pas forcément le meilleur calcul d'un point de vue technique, mais d'un point de vue moral on peut soutenir l'idée qu'il est nécessaire d'enregistrer ce qu'on a fait, à proprement parler, au lieu de simplement l'exporter. Chaque choix technique porte sa propre morale.

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Je pense que je vais utiliser mon magnétophone Grundig pour enregistrer mes prochains petits morceaux. C'est tellement simple, tellement direct ; ça a en plus l'avantage d'être absolument et authentiquement lo-fi d'un point de vue sonore,  mais ce n'est même pas la raison première.

Même en numérique sur un multipistes, le seul fait de jouer sa musique depuis le PC ou un instrument et de l'inscrire, en temps réel, sur un support, c'est autre chose que de l'export – même si la différence est nulle d'un point de vue technique elle est réelle psychologiquement. Enregistrement = performance, export = simple calcul.

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C'est quand même drôle que je rachète exactement le magnétophone que j'avais enfant, après avoir retrouvé sa marque et sa référence en le voyant dans une vitrine de magasin d'électronique. Et que Xavier rachète par hasard exactement le 4-pistes que j'avais (Yamaha Mt-400). Je me dis parfois que ce sont des signes qu'on a pas été au bout de notre mission il y a vingt ans.

jeudi 10 mars 2022

Images sonores du monde. Un monde miniature. Sa copie tout au moins – son fantôme, enfermé sur un CD, sur une bande, etc.

Un enregistrement sonore est beaucoup plus étrange, beaucoup plus fantômatique qu'une photographie ou qu'un film.

Le souffle est là pour expliciter qu'il s'agit d'un enregistrement ; il ne s'agit pas de créer l'illusion d'une présence des musiciens, au contraire, je veux qu'il soit bien clair qu'il s'agit d'un enregistrement, fait avec tel type de matériel, et que cela impacte le son lui-même et l'expérience de l'écoute. Un enregistrement fait à telle date, dans telles circonstances. C'est comme une page de journal intime.

samedi 22 janvier 2022

J'ai finalisé hier soir la disquette contenant des fichiers MIDI, des photos et une bio de Maelifell, que je voulais faire l'an dernier, pour les 25 ans de la démo 96. L'anniversaire à proprement parler a donc été raté, mais comme il ne fait pas le moindre doute que tout le monde s'en tape, j'imagine que ce n'est pas très grave. C'est une satisfaction, en tous cas, avoir achevé cet objet – j'en ai dupliqué une dizaine, que je donnerai à Xavier, Éric et d'autres, pour le reste on verra selon la demande. De la même manière, je me suis relancé dans la duplication de k7 ; j'ai transféré "Bunker blues" et "Un dimanche d'exécutions" sur bande et ai fait plusieurs copies, avec ma double platine.

C'est plus pour l'objet qu'autre chose, vue la qualité sonore de ces transferts (ça sature gentiment), et j'aime l'objet cassette lui-même, l'idée de la duplication, du fait de faire grandir, dans le monde réel, matériel, un corps d'objets finis dans l'espace où ma musique est contenue – en réalité, on pourrait définir une clé USB ou un serveur Archive.org exactement de la même manière, mais les vieux supports ont quelque chose de plus, peut-être dûs à leur simplicité, au côté artisanal, presque "fait main" (c'est évidemment une illusion) de leur production / duplication, et même leur fiabilité relative et leur fragilité les rendent encore plus aimables.

*

En parlant de Maelifell, ça m'a pris tout à coup, alors que depuis des années je louvoie avec 150 projets sous des noms farfelus, pour surtout rester anonymes et empêcher qu'on relie même ces projets inconnus, les uns aux autres, de reprendre le nom Maelifell, continuer ce chemin musical-là, sans crainte de personne ni d'aucune considération extérieure. Comme s'il m'avait fallu toutes ces années et ces efforts vains pour rester dans l'anonymat, pour me faire réaliser que tout le monde s'en tape, de Maelifell et de moi et de mes projets passés et actuels, et que ce ne sont pas trois ennemis dans le milieu qui vont gâcher quoi que ce soit.

Le soulagement a été immédiat. Sensation de revenir à quelque chose de fondamental qui avait mis de côté, négligé, oublié sans raison valable. Des perspectives qui se rouvrent. Des priorités qui se précisent, des bloquages qui disparaissent. Initialement je ne voulais pas toucher à la discographie de Maelifell, je ne voulais pas "gâcher" nos anciens albums, nos "chefs-d'oeuvre" avec de nouveaux albums éventuellement ratés. Et soudain je me suis dit tant pis, avançons, assumons  d'avoir eu plusieurs périodes – le PSS des débuts, le médiéval, le néoclassique, le néofolk – et faisons ce qui nous chante, rien de tout ça n'est sacré, ni tellement sérieux.

J'ai imaginé plein de pochettes différentes, pour des albums futurs, que je ne réaliserai probablement jamais, mais qu'importe, ce débloquage de l'imagination signifie une chose : le projet n'est pas dans le formol, il est vivant, il peut muter en n'importe quoi, rien n'est écrit à l'avance, et notre passé ne nous engage en rien.

dimanche 9 janvier 2022

Décision ce matin, en me promenant, très tôt, alors qu'il faisait sombre, froid, pluvieux, dans la rue de Ruffec : recommencer à noter mes rêves. J'ai besoin de savoir ce que j'ai au fond du crâne, et de pouvoir me souvenir de cette autre moitié de ma vie – quitte à ne pas retenir les rêves dont je sais qu'ils ne m'apprennent rien, ne m'apportent rien.

Autre décision, pas uniquement personnelle : reprendre le nom de Maelifell. Je ne sais pas pourquoi, ça m'a pris comme ça, ces jours-ci, d'abord en renommant le compte Instagram "Waldbruder" en "Maelifell", pour que nos éventuels fans puissent voir notre vie actuelle et notre créativité, quitte à ne rien leur proposer de plus, musicalement... et puis finalement, je me suis dit pourquoi pas, et ai proposé à Xavier de remettre ça, et tant pis pour Félix et Serge et les gens qui ne m'aiment pas et ironiseront ou porteront des jugements sur ce qu'ils verront et entendront à l'avenir – dans l'hypothèse où nos futures oeuvres parviennent à leurs yeux et à leurs oreilles. Tant pis. Et même tant pis pour ceux qui auront aimé la démo, ou "The Summerlands" ou que sais-je, et qui n'aimeront pas la suite, car nous ne leur devons rien. Maintenant que la décision est prise je dois avouer que ça semble absolument évident, c'est comme enfin rentrer chez soi.

J'ai une idée assez précise, sinon des mélodies, de l'ambiance générale que j'aimerais développer sur un prochain album de Maelifell, fait d'alternances, entre les types de sons et d'instruments, les genres musicaux, et les types de qualité d'enregistrement : par exemple un morceau avec des sons General MIDI enregistré sur k7 avec pas mal de souffle, comme à nos débuts, suivi par un morceau fait avec le Technics, qui lui aurait un son propre, ensuite un instrumental entièrement acoustique enregistré au magnétophone, puis un morceau plus électronique, au Volca par exemple, etc... Cela donnerait au tout un aspect plus vivant, organique, qu'un album qui donne l'impression d'avoir été entièrement joué, enregistré, mixé le même jour, avec le même matériel, dans le même état d'esprit.

dimanche 21 novembre 2021

Les cloches qui sonnent indiquent le passage des heures – dans un monde où le temps ne s'écoule plus, où plus rien dans la journée n'est ritualisé, liturgique.

Les cloches qui sonnent emplissent l'espace d'un son mélodieux et porteur d'un sens supérieur – dans un monde où ne règnent plus que le bruit et les annonces commerciales, éventuellement déguisées en chansons.

Les cloches qui sonnent visent à rassembler la communauté – dans un monde d'égos atomisés.

vendredi 3 septembre 2021

La mégalomanie et l'autisme sont des mécanismes de survie nécessaire lorsqu'on est un musicien très moyen, et qui plus est dépassé, vieillissant, évoluant dans une totale solitude – des mécanismes de survie mais aussi des choses très amusantes.

L'humour, le second degré, l'autodérision la dérision en général, deviennent eux aussi de manière générale des choses nécessaires, vitales. Ce qui ne signifie pas qu'il y a pas un combat intérieur, fréquent, entre cette partie de nous qui voudrait prendre les choses au sérieux, voire au tragique, et celle qui sait que tout n'est qu'une blague – au moins en partie en partie une blague.

mardi 9 mars 2021

Pendant plusieurs années je n’ai pas touché à mes instruments, je n’ai rien composé. Mais la musique me poursuivait dans mes rêves, des rêves qui m’ont suffisamment marqué pour que je les note dans un carnet ; des rêves qui semblaient vouloir me dire que tout n’était pas fini, qu’au-delà de mes désillusions, de mes déceptions et de ma fatigue, au-delà de mon sentiment d’avoir tout dit et d’avoir atteint les rapides limites de mon talent, il existait au fond de moi, dans des strates de mon esprit que je ne pouvais pas atteindre à l’état conscient, une fascination intacte, un désir intact pour la création.

Des rêves où je retrouvais des disquettes perdues, remplies de morceaux inachevés et oubliés de ma jeunesse, qui miraculeusement me reconnectaient à mon passé – et à un avenir. Je les passais en revue sur mon clavier ou dans mon Atari, dans ma chambre d’adolescent, miraculeusement intacte et inchangée, et c’était comme accéder à une sorte d’éternité, un retour non pas au passé mais à une identité profonde qui n’aurait jamais dû cesser d’être.

Des rêves où j’errais dans des villages ou sur la lande, entendant une musique mystérieuse, bouleversante, qui m’échappait au réveil, qui remuait mille émotions enfouies en moi.

Des rêves de villes grisâtres où j’errais pour entrer dans des magasins de musique déserts, obscurs, où je découvrais des machines inédites et fascinantes, parfois des versions modifiées, bricolées, de synthétiseurs ou de boîtes à rythmes que je connaissais déjà ; elles étaient délabrées ou bien recouvertes de poussière et de crasse comme des artefacts exhumés après des siècles d’oubli. Parfois aussi c’étaient des machines impossibles à identifier, préhistoriques et gigantesques comme des ordinateurs primitifs, bardées de câbles et de potards innombrables.

Dans l’un de ces rêves je me trouvais, de nuit, dans l'enceinte d'un lycée ou d’un internat ; de vieux bâtiments avec une cour. Il y avait du monde, comme pour une fête. J’avais entre les mains une sorte de groovebox trouvée dans une salle d’un des bâtiments. Je ne comprenais pas vraiment comment elle fonctionnait, mais j'avais réussi à enregistrer quelques bribes de musique électronique assez primitive, et cela suffisait à m'exciter, à me fasciner. Parvenir à en tirer quelques maigres boucles paraissait plus excitant et mystérieux que n'importe quoi de plus ambitieux fait avec un ordinateur.

Parfois encore, je rêvais d’instruments acoustiques mutants, hybrides, au fonctionnement mystérieux, au son étrange et envoûtant : je me souviens d’un instrument à vent ressemblant à une clarinette, où tout en soufflant on devait tourner une molette pour faire varier la note ; mais aussi d’une sorte de cithare primitive, dont je jouais en m’enregistrant sur une cassette, avec un vieux magnétophone, improvisant longuement sans me soucier de produire des morceaux viables, vendables, audibles par quiconque autre que moi. Ou encore d’un petit studio en sous-sol où je découvrais une guitare et une basse de piètre qualité, me disant que je pourrais malgré tout enregistrer des morceaux avec, et que le son serait probablement catastrophique, mais qu'en le noyant dans la réverbération ou d’autres effets cela pourrait donner quelque chose d’étrange, de minimaliste, de lointain.

L’important n’était pas l’œuvre finale ; c’était la démarche elle-même. Ce retour à la primitivité. Je savais en enregistrant, dans ce rêve, que le son serait épouvantable, mais c'était ce que je voulais ; un retour à mes conditions d'enregistrement primitives d'adolescence et même d’enfance, puisque le magnétophone qui m’avait servi à enregistrer mes tout premiers morceaux, vers treize ou quatorze ans, était aussi celui que mes parents avaient utilisés pour m’enregistrer, tout petit, apprenant à parler. Ce magnétophone me hantait : dans un autre rêve, je me trouvais dans une chambre peu éclairée, comme par un jour de pluie, et j'y écoutais de la musique sur un vieux magnétophone à cassettes, ressemblant à celui que j'avais, enfant – en plus gros, plus primitif encore. La musique était synthétique, très planante, répétitive, hypnotique.

dimanche 21 juin 2020

La première démo de Xavier et moi est marqué par un usage disparate du matériel. Beaucoup de morceaux utilisent le PSS-50 mais il y en a aussi un (où Xavier et moi jouons) avec de la flûte et le son "clavecin" du piano électrique de ma soeur. Un autre encore est joué entièrement à la guitare électrique. Enfin, sur la face B, les morceaux sont joués par la carte son du PC de chez Xavier... sauf "The Old Tower" que j'ai joué sur un clavier de location de chez Beckrich (de marque Akai ou Kawai, je ne sais plus).

En somme, et je le réalise aujourd'hui pleinement, notre tendance actuelle à volontairement enregistrer avec des claviers aux sons extrêmement différents (analos purs et durs, petits claviers équipés d'une puce FM, claviers PCM, samplers, banques General MIDI antédiluviennes) et ma volonté, pour nos prochains releases, de passer de manière totalement incohérente en apparence, d'un type de son à l'autre, et d'une qualité de production à l'autre (enregistrement numérique propre, 4-pistes à cassette, magnéto à l'agonie, enregistrements en extérieur, etc) – tout cela trouve depuis 2017, inconsciemment, ses racines dans les tout débuts de notre "carrière". Cette deuxième période musicale qui s'est ouverte après dix ans sans se voir et sans composer ressemble décidément à une espèce de seconde chance : celle de réaliser pleinement, une fois adulte, avec les moyens de nos ambitions, ce que nous n'avions qu'ébauché au lycée.

mercredi 17 juin 2020

La musique que je joue avec Xavier est bourrée de fausses notes et de contretemps, les morceaux sont courts et bancals, sans vrai début et sans fin correcte, mais c'est de la musique vivante, et donc imparfaite ; jamais nous ne reviendrons à la tentation de tout maîtriser de A à Z et de construire nos morceaux sur des séquenceurs qui ne sont que de l'assemblage de Legos sonores. Le séquençage comme mode par défaut de composition a détruit, avait détruit, en nous, en moi, toute spontanéité, toute capacité à improviser, à y aller au bluff, à inclure les erreurs et les accidents. La musique que nous faisons depuis 2017 est foutraque mais elle est meilleure que l'essentiel de ce que j'ai pu faire seul devant Fruity Loops depuis l'an 2000.

mercredi 27 mai 2020

En découvrant la musique traditionnelle de Moselle couchée sur le papier par l'abbé Pinck (et aujourd'hui téléchargeable en MIDI sur le net) j'ai réalisé que sans le savoir, mais peut-être par un genre d'atavisme, Xavier et moi avions, dans notre adolescence puis en nous retrouvant après 2017, reproduit ce que faisaient nos ancêtres : des morceaux courts, très simples, utilisant un instrument (ou voix) ou deux. Raison de plus pour renoncer à sonner comme les autres, à utiliser les mêmes structures musicales que les autres, et faire notre truc, dans une continuité "folk" plus grande que nous l'imaginions.

vendredi 16 novembre 2018

La musique de Maelifell est une bedroom music assumée, une musique de la classe moyenne pavillonnaire et d'adolescents équipés en micro-ordinateurs comme en instruments de musique grand public ; guitares d'initiation, claviers Yamaha familiaux, micros de supermarché et enregistreurs cassette intégrée à la chaîne HiFi reçue pour la grande Communion ou l'entrée au lycée.

Une musique d'ados solitaires, qui s'ennuient, qui sont à pied, qui n'ont pas grand chose d'autre à faire que se promener dans la nature, lire, jouer à des jeux vidéos ou des jeux de rôle d'heroic fantasy.

Adultes, nous n'avons pas tellement changé...

La vie de musicien professionnel est une vie déréglée, comme toutes les vies d'artistes. Ce dérèglement aide peut-être, parfois, à créer des chef-d'oeuvres. Il aide sans aucun doute à explorer des potentialités de l'existence qu'un français moyen, travaillant et vivant une vie de famille classique, ne pourra qu'imaginer ou entrevoir. Mais est-il souhaitable, au fond, d'explorer ces potentialités – qui tiennent quand même souvent de la déglingue, ou de la gloire excessive, empoisonnant l'égo ?

À l'inverse de cela, la bedroom music est dans l'idéal moins celle d'un médiocre amateur que celle d'un gentleman qui vit une vie bien réglée, complète, où chaque chose est à sa place et avec la priorité qui lui revient.

Sa musique est un élément de sa vie, une fleur dans son jardin ; non pas une plante parasite qui l'étouffe peu à peu.

dimanche 22 juillet 2018

J’ai pensé, il y a quelques jours, à l'usure physique et au destin encore plus cruel que subissent parfois les livres – tel texte dont on a perdu l'auteur, tel autre dont il ne subsiste que des bribes... et les livres rares, les livres disparus, mythiques, dont on ne connaît parfois qu'un vague résumé, grâce à d'autres auteurs, eux-mêmes à ensevelis sous les sables du temps.

Les livres cités, plagiés, interpolés dans d'autres œuvres. Sampling littéraire.

Tout cela vaudra tout autant, à l'avenir, pour la musique. Banques de samples, extraits de films, mp3 sans nom, albums dont il ne restera que des rip mal encodés, vieilles cassettes numérisées au contenu non identifié, démos à moitié lisibles par usure de la bande ou du support digital, œuvres dont seuls auront survécu quelques extraits promotionnels, pillages musicaux, plagiats inavoués, remix foireux, groupes disparus dont il ne subsistera que le nom dans des anthologies et dans la mémoire de spécialistes eux-même appelés à disparaître.

En pensant que peut-être, dans cent cinquante ans, il restera qu'une minute de ma musique, mal encodée et non identifiée, sur un coin de support quelconque, je me dis que ça en aura valu la peine.

Quand je fais quelques recherches sur Google ou sur le peer-to-peer, je constate d’ailleurs que ma musique existe essentiellement déjà sous forme de fragments incomplets ou faux, mal encodés parfois, mal catalogués. C'est exactement ce qui doit être.

Renoncer à la complétude. À l’exhaustivité. Faire le deuil de ce qui restera de moi après ma mort.

Faire aussi, déjà, le deuil de toute complétude dans mes futures œuvres.

Accepter l’idée de ne plus produire rien d’autre que des brouillons plus ou moins avancés. Des bribes de mélodies, des samples préparatoires qui ne serviront jamais à rien, des dessins crayonnés sur un coin de feuille, des listes de noms et de dates en guise d’autobiographie. Des scénarios incomplets, des incipit qui ne vont nulle part, des bouts de dialogues sans contexte.

De même, je n'ai accès moi-même qu'à des fragments de ma propre mémoire. Je ne me souviens jamais de tout en même temps. Je ne sais jamais exactement qui je suis et quelle a été ma vie, ni où elle va.

Et je ne donne aux autres accès qu'à des fragments de cette vie qui est et a été la mienne. Des fragments avares, minuscules, peu parlants, qui ne permet à personne de dire qu’il me connaît.

La radio. France Culture, etc. Mixtapes. Musiques, émissions, lectures d'oeuvres littéraires dont j'ignore les titres et les auteurs, interviews de gens dont je ne sais pas qui ils sont.

Ça doit être une technique à exploiter comme créateur. Sortir du besoin de la reconnaissance, pour créer des oeuvres anonymes, volontairement fragmentaires, lacunaire, mal labellisées, etc... plusieurs versions alternatives par oeuvre, pour créer soi-même le doute, l'ambiguité.

jeudi 19 juillet 2018

Improviser, partir de rien, ne même pas savoir quel style de musique ça va donner. Se surprendre. Voir non seulement un style mais une esthétique, un monde, un imaginaire, naître "tous seuls".

samedi 7 avril 2018

Pourquoi l'improvisation et des morceaux bancals, incomplets, etc ?

Parce que c'est de la musique vivante et que nous acceptons les ratés que cela comporte ; les jours sans inspiration ; l'impression générale d'amateurisme et d'incompétence qui se dégage du résultat, et qui est d'ailleurs fidèle à la réalité de ce que nous sommes, comme musiciens : amateurs, incompétents, légers.

jeudi 5 octobre 2017

Cela commence avec du souffle, un souffle électronique épais, de vieille cassette audio. Le souffle, c’est, littéralement, la vie. C’est aussi la toile de fond sonore du monde : le silence n’existe pas. Le souffle est un espace sonore dans lequel se déploie les autres sons. Il délimite, il accueille.

Ensuite viennent des cloches d’église, au loin. L’appel à la messe du dimanche matin.

Puis on entend le ronronnement caractéristique d’un lecteur de disquettes. Le dimanche n’est pas seulement le jour de la messe ; c’est aussi celui du repos, et de l’exploration de mondes imaginaires, à travers les livres mais aussi à travers un écran.

*

J’ai conscience d’avoir, pour la première fois je crois, avec "Un dimanche d’exécutions", composé quelque chose qui volontairement était cryptique, incompréhensible et difficile à apprécier pour un public autre que moi-même. Mes projets passés cherchaient à plaire, en tous cas à communiquer au public quelque chose qu’il puisse apprécier ; cette œuvre-ci est vraiment autiste, elle a été composée par moi et pour moi, pour mes goûts, pour m’émouvoir moi, pour faire resurgir des souvenirs très personnels et très précis.

*

"Un dimanche d'exécution" comporte, entrecoupées de field recordings et de sons d'ambiance divers, trois mélodies ; elles sont primitives et bancales, jouées entièrement à partir d'un même échantillon de guitare synthétique. Le son de mauvaise qualité, avec des craquements et du souffle. C'est pour moi le son même du passé.

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Hauntology : le son du vinyle, certes, mais aussi le souffle des k7 – et les sons cheap des vieilles cartes sons, les samples lo-fi...

vendredi 19 février 2016

Ne pas me limiter à la forme démo / album.

Mais aussi Mixtape, Rehearsals, Compiles, Génériques et autres musiques fonctionnelles, Singles, etc...

K7 rehearsals AVEC leur inachèvement, leur caractère fragmentaire, les fautes et les contretemps, etc.

"Musical diary"

mercredi 16 septembre 2015

"Whatever you now find weird, ugly, uncomfortable and nasty about a new medium will surely become its signature. CD distortion, the jitteriness of digital video, the crap sound of 8-bit - all these will be cherished and emulated as soon as they can be avoided. It's the sound of failure: so much modern art is the sound of things going out of control, of a medium pushing to its limits and breaking apart. The distorted guitar sound is the sound of something too loud for the medium supposed to carry it. The blues singer with the cracked voice is the sound of an emotional cry too powerful for the throat that releases it. The excitement of grainy film, of bleached-out black and white, is the excitement of witnessing events too momentous for the medium assigned to record them. ote to the artist: when the medium fails conspicuously, and especially if it fails in new ways, the listener believes something is happening beyond its limits."

(Brian Eno)

lundi 27 juillet 2015

Parfois je me désespère du son épouvantable des albums de Fin de Siècle – surtout "Tout disparaîtra", qui a vraiment été saboté à coup de Denoiser, effet qui supprime le souffle assez efficacement mais malheureusement déforme aussi le son et donne l'impression d'écouter un vieux mp3 mal encodé ou bien trop bas en terme de Kbps. J'aimerais un jour le réentendre comme il sonnait, joué directement sur mon clavier, surtout "Myth" qui est probablement l'un des meilleurs morceaux que j'ai jamais composés. Et celui qui a précisément le pire son de toute ma carrière. Mais ceci explique peut-être cela. Peut-être est-ce une nécessité mystérieuse. Fin de Siècle ne parle de rien d'autre que du temps qui passe et dégrade toute chose. Je ne peux donc pas me plaindre que ma propre musique sonne elle-même comme quelque chose de vieux et d'inaudible.

mardi 13 mai 2014

Quelle musique faire ? C'est très simple.

Toute musique que personne ne voudra jamais utiliser pour une pub.

Toute musique qui ne vous attirera aucune groupie.

Toute musique que même vos amis ne pourraient pas faire semblant d'aimer pour vous faire plaisir.

dimanche 16 mars 2014

J'avais, adolescent, vers l'âge de 14 ou 15 ans, loué un "synthé" Kawai au magasin de musique que nous fréquentions, et où je prenais mes cours de musique. Je l'avais installé dans la cave, avec à côté le vieux magnétophone sur lequel j'écoutais mes cassettes depuis l'enfance. J'ai découvert en l'utilisant, avec un plaisir mental indescriptible, la possibilité d'enregistrer sur un séquenceur, même primitif, de multiplier les phrases musicales, les couches, les rythmes, plaisir complètement "banal" voire fastidieux aujourd'hui...

J'ai composé plusieurs petits morceaux, dont je n'ai aucun souvenir aujourd'hui. Il me semble que j'y utilisais pas mal de percussions, des cloches... Influencé que j'étais, lourdement, par Dead Can Dance, et les fonds sonores "dark ambient" et assimilés qu'on pouvait entendre à l'époque sur France Culture (notamment du The Moon Lay Hidden Beneath a Cloud et Muslimgauze, mais je ne connaissais pas leurs noms alors). Ces morceaux furent enregistrés sur une cassette au magnétophone, qui est donc historiquement ma toute première "démo". Elle fut un peu oubliée avec le temps, je n'y attachais pas une importance démesurée ; il me semble que Xavier, à qui je l'avais prêtée, avait fini par la perdre, ou l'effacer. Cette perte, je n'en ai pris conscience que des années plus tard, perte qui m'apparaît aujourd'hui comme centrale.

Les problématiques autour de l'œuvre perdue, de l'œuvre oubliée, incomplète, mal retranscrite, parasitée, apocryphe, incertaine, etc ... que j'ai développées, une bonne quinzaine d'années après, et que j'essaie d'intégrer à mes écrits (avec une certaine influence Borgésienne light, disons) comme à mes projets musicaux, viennent de là, de cette première démo dont il ne me reste rien de rien.

dimanche 16 juin 2013

La vie avant le web et surtout avant les réseaux sociaux et la confiscation du web par quelques géants.

Avant la grande numérisation universelle. Avant le basculement définitif et complet vers une existence faite de la consommation du fantôme du monde et de purs signes.

La nostalgie de la vie brute avant qu'elle ne devienne une existence purement médiatique / médiatisée.

samedi 4 août 2012

Quand je n'arrive pas à finir un album : ne pas chercher à l'achever, mais mettre en ligne uniquement des previews / extraits promo sur le net.

Idem : pour les morceaux que je n'arrive pas à terminer : mettre en ligne le morceau tel quel avec fade in (et / ou fade out) pour faire comme si c'était un simple extrait.

vendredi 6 juillet 2012

Composer une démo entière en moins d’une semaine. Oublier ce qu’on a composé, le redécouvrir des semaines plus tard, avec admiration, et l’impression d’entendre ce qu’un autre a fait.

lundi 21 mai 2012

Des fichiers General MIDI oubliés sur une disquette.

(que l'on redécouvre des années après)

mardi 15 mars 2011

La description, à la fois très technique et aussi littéraire que possible, d'une musique, ou d'une séquence sonore sur une k7 ou un disque, comme genre littéraire et comme travail préparatoire au travail musical / sonore proprement dit.

lundi 7 février 2011

Albums qui m’emmènent là où je ne pensais pas aller. Découverte de la diversification des sons, des techniques. Lo-fi assumé. Albums morts-nés, cachés dans chaque album qui a vu le jour. Florence : muse et partenaire "fictive". Début de prise de conscience de ce caractère fictif et fantasmé.

jeudi 2 septembre 2010

J'écoute un morceau ambient de ILDJARN qui semble sortir du même synthé que B12 - et donc je pense à B12.

Axiome : le choix d'un synthétiseur plutôt qu'un autre est plus qu'un choix de matériel, c'est même plus que le choix d'un style de musique. C'est le choix aussi de toute l'époque à laquelle il a été produit et de tout ce qui a été fait d'autre avec ce matériel, et que ses sons évoqueront par association d'idées.

mardi 25 mai 2010

J'écoute "The Summerlands" et je me souviens du son puissant de la musique lorsqu'elle sortait des enceintes de mon synthétiseur.

La version tremblotante, affligée du souffle et des fréquences étouffées typiques d'un enregistrement sur cassette, me paraît bien pitoyable en comparaison.

Mais au fond, c'est très bien qu'il en soit ainsi. Ce son fragile, diminué, est à l'image de mes souvenirs de cette époque déjà lointaine. Il est l'image sonore du temps qui a passé, qui voile et dégrade tout, et qui me sépare de la source vivante.

mardi 6 avril 2010

Le bunker blues vient de la nostalgie, du sentiment de perte et de dépossession d’une innocente originelle, d’une primitivité saine, d’un Eden dont nous avons été chassés.

"Sapiens"

"Robinson's Requiem"

Tribu. Primitivité.

Le bunker est comme une caverne. Lieu de vie des premiers hommes, mais aussi tombeau. Autres types : une chambre d’adolescent. Un utérus.

La caverne et le bunker représentent la verticalité, l’intériorité, l’obscurité. La steppe représente l’horizontalité, l’extériorité, la lumière.

"Moya" : indiens d'Amérique et bombe A.

La mauvaise primitivité de l'homme moderne.

Sortir du bunker, trouver une steppe vide. L'hostilité du monde.

Mais aussi la possibilité d'y construire quelque chose (à nouveau ?)

Terre battue par les vents (de l'Histoire, de l'Esprit, etc)

"Passagers du vent"

Bunkers de Hoste et de Meuse.

mardi 9 mars 2010

En voiture sur les routes désertes de Meuse, en allant de village en village avec Laurence, en longeant des champs et des vergers interminables, j'avais des hallucinations où se mêlaient des fichiers WAV visualisés sur Audacity, des kilomètres de bande magnétique, des arbres, et comme dans un trip sous LSD j'imagine, une équivalence mystérieuse s'opérait entre toutes ces choses, par exemple j'assimilais le souffle des cassettes à de l'espace sonore, et les arbres à des événements qui prennent lieu dans l'espace, en l'occurrence, des sons, qui se produisent sur fond de souffle.

*

Les ondes sonores, dans un logiciel comme Audacity ou Wavelab, ressemblent parfois à des forêts de sapins au loin.

*

Le souffle qui précède la musique quand on lance une cassette, c’est le son qui indique qu’on entre dans un autre monde, où quelque chose va arriver ; en l’occurrence, de manière fortuite, de la musique.

Ce souffle est l’image sonore de l’immense étendue d’un autre espace-temps, dont l’image est gravée sur la bande.

Le souffle électronique est l’équivalent audio de l’espace dans lequel se disposent et arrivent les choses. Pas un parasite. Pas le son du vide, de l’absence. Mais une trame, un fond, présent, perceptible, comme on peut percevoir le grain de la toile, sous la peinture.

*

La base de ma musique est le souffle. Le cliquetis et les bruits produits par le déclenchement ou l’arrêt d’une cassette. Le ronronnement d’un lecteur de disquettes. Et les vieux sons d’un clavier PCM ou d’une Soundblaster ancestrale. C’est le fétichisme des vieilles machines dépassées, oubliées, qui avaient leurs limites mais qui aujourd’hui paraissent tellement plus charnelles que les synthés VST, etc.

Il n’y a aucun discours théorique à développer sur ce sujet. Il ne s’agit que de préférence personnelle, liée à mon âge, aux technologies en présence desquelles j’ai grandi. On regrette le DX7 comme on regrettait l’accordéon des bals musettes de sa jeunesse.

Il s’agit de poésie technologique ; quel que soit le thème abordé par l’artiste, ou le style exact de musique qu’il joue. La poésie provient de la machine même, pas de l’intention de l’artiste.

jeudi 12 février 2009

Quand j'étais petit j'habitais à la sortie de la ville, près d'un aérodrome. Il y avait un bruit de petits avions en permanence au dessus du quartier. Je crois que c'est de là que vient mon goût pour les drones ; le grondement d'un avion est une sorte d'ambient drone.

Tout comme j'aime mettre du souffle et des craquements dans ma musique parce qu'adolescent j'écoutais la radio et il y avait plein de parasites.

J'aime certains transformateurs électriques, qui font un bel accord doux et aérien. Toute l'année, toujours au même endroit.

Près de chez Laurence il y avait un hangar avec un système de ventilation qui produisait un son sublime. Un après-midi, aussi, elle et moi étions dans l'église non loin de chez elle, et on entendait une tondeuse à gazon au dehors, noyée dans la réverbation naturelle des lieux. Si j'avais été seul, je me serais assis pour l'écouter, indéfiniment.

dimanche 30 novembre 2008

Un souvenir, une image m’obsède : le souvenir d’un rêve récurrent, où je découvre chez moi, à la cave ou au salon, dans des tiroirs ou des vieux cartons, de superbes photos que j’ai prises il y a des années de cela et que j’avais complètement oubliées, ou parfois des cassettes avec des morceaux anciens et oubliés eux aussi – et le sentiment de retrouver un trésor, quelque chose de plus cher que tout, que j’avais perdu et dont je n’avais même pas conscience de la perte, mais que retrouver me rend "complet".

*

Une impression vague, indicible, un fantôme de souvenir, celui des vieilles cassettes, de leur son lointain et noyé dans le souffle, l’image sonore à elles seules des souvenirs enfouis, ineffables, cachés sous des tonnes de "bruit".

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Une image, celle de moi-même, adolescent, lisant des bande-dessinées et des beaux-livres de peinture, écrivant des jeux de rôles et des nouvelles. Et la sensation d’avoir jeté ou perdu l’essentiel de tous ces manuscrits (dont je revois encore les carreaux de cahiers d’écoliers et l’encre bleue, d’une sensualité folle en ces temps informatiques) qui constituent eux aussi une perte, mais aussi un trésor à rechercher, à espérer.

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Mes rêves de cassettes ou de disquettes exhumées, contenant des inédits fabuleux ou simplement me font redécouvrir une façette oubliée de mon oeuvre – et donc de moi-même, de mon passé – ont été innombrables ces vingt dernières années. J'imagine qu'ils ne me disent qu'une seule chose : tu dois continuer, tu dois réaliser ce dont tu rêvais artistiquement dans ta jeunesse et que par impossibilité matérielle, manque de temps, d'énergie ou de sérieux, tu n'as pas mené à bien.

lundi 9 juin 2008

Musique crée par accident

Musique crée à plusieurs, en improvisant, et qui contre toute attente se relève réussie, parfaite

Musique dont on ne sait plus si on l’a composée ou non

Musique qui naît par hasard de la conjonction de bruits de la vie (klaxons, sirènes, etc)

Musique entendue et enregistrée, utilisée sans qu’on sache ce que c’est

Musique que l’on a en tête et que l’on arrive pas à retranscrire ni à reproduire

Musique dont on est capable de fredonner que quelques notes, et qu’on aime, évocatrice, mais qu’on a presque entièrement oubliée

Musique passée dans un endroit désert, pour personne

Musique écrite sur une partition, dans un système de notation indéchiffrable

Musique écrite pour des instruments n’existant pas ou plus, dont on a aucune idée de leur sonorité

Musique enregistrée sur des supports illisibles ou dont on ne peut plus lire que des fragments

Œuvre transmise par rêve ou par télépathie

Œuvre dictée par Dieu ou par une entité

Œuvre jouée en une occasion absolument unique

Musique composée pour un autre artiste

Musique composée secrètement pour un autre artiste

Musique composée secrètement ou non pour un autre être humain, en son honneur ou sa mémoire

Musique d’un autre, modifiée, triturée, déformée

Musique volée

Musique de commande

Œuvre apocryphe

Œuvre d’un auteur fictif

Œuvre inexistante mais ayant un nom d’auteur, un titre, une tracklist et un contenu imaginaire décrit en détail

Œuvre perdue dont il ne reste que des recensions

Œuvre dont il ne reste que des fragments, de qualité sonore variable

Œuvre à l’auteur, au titre, au contenu précis incertains voire inconnus

Œuvre inconnue

Œuvre dont l’existence ou non est sujette à débat

Œuvre dont on sait qu’elle est fictive ou apocryphe mais dont on s’interroge sur la provenance

Album fini / Album en constant retravail

Album à la playlist définie / Album à la playlist changeante

Œuvre complète unique, augmentée en permanence, virtuellement infinie

Morceau de durée sans cesse augmentée, virtuellement infinie.

Sortie sur support sous forme d’album (cassette, vynile, CD)

Sortie immatérielle (album mp3 à télécharger gratuitement ou non)

Passage radio uniquement

Utilisation comme bande-son pour un film ou une pièce de théâtre

Bande-son d’un film ou d’une pièce de théâtre fictifs

Fausse émission de radio

Fond sonore d’un site web

Musique de jeu vidéo

Fond sonore d’un espace quelconque (supermarché, musée…)

Sonnerie téléphonique

Mise à disposition gratuite dans les bacs des disquaires

Mise à disposition gratuite dans des lieux publics

Envoi postal à des personnes choisies au hasard

Envoi postal à des personnes sélectionnées

Don à une ou plusieurs personnes à qui l’œuvre sera exclusivement réservée

Diffusion sur le p2p

Diffusion sur le p2p en mentant (prétendre que c’est du Madonna ou un autre artiste très recherché)

Diffusion via un site web ou un blog dont l’adresse peut-être secrète et réservée à un public choisi, ou divulgué publiquement, voire à un public ultra large par des moyens de publicité sauvage (autocollants dans les rues, etc)

Spam par e-mails

Concert sauvage

Djing sauvage

Passage en soirée

L’œuvre jouée via téléphone pour quelqu’un

Œuvre composée pour être une sonnerie de téléphone

L’œuvre jouée live uniquement, pour un public choisi

Musique passée à haut volume dans un casque comme moyen de torture

Chant militaire

Chant lié à une classe sociale

Chant révolutionnaire

Chant religieux / Chant funéraire

Comptine

Musique fausse et insoutenable, mais pure et sublime dans un autre monde, pour d'autres êtres

Musique faisant appel à un appareil sensoriel dont les êtres humains ne sont pas pourvus.

Musique audible par des humains mais qui n’est qu’une infime partie d’une œuvre sensorielle plus vaste pour des êtres à la perception beaucoup plus large.

mercredi 21 mars 2007